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Inutiles et polluants, les filtres de cigarettes bientôt considérés comme une nouvelle tromperie de l’industrie du tabac ?

Alors que la consommation de tabac repart à la hausse en France, la vraie raison d’être des filtres de cigarettes pose question. Destinés à maximiser le nombre de fumeurs, ces petits bouts d’acétate de cellulose seraient en grande partie responsables de la quantité sans cesse croissante de nouveaux fumeurs, notamment chez les jeunes et les femmes… mais aussi d’une pollution désastreuse que personne ne résout ni ne ralentit. Quand la politique ne peut plus rien, la justice ne devrait être-t-elle pas être saisie ?

Un filtre dans la chaussure des fabricants de tabac ?

Comme chaque année, la Journée Mondiale Sans Tabac, organisée le 31 mai par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a donné lieu à nombre d’initiatives : incitations à arrêter de fumer, propositions de nouvelles mesures antitabac, débat sur la vape… La plupart resteront sans lendemain, comme d’habitude, raison pour laquelle l’industrie du tabac n’appréhende plus ce passage obligé. Elle le voit comme un jour de communication désormais institutionnalisé qui n’altère cependant pas ses bénéfices, alors qu’en France l’augmentation du nombre de fumeurs fait tousser toute la planète anti-tabac.

Cette année cependant, une idée nouvelle est apparue, qui pourrait prospérer et gêner considérablement les fabricants de tabac. Une idée contenue dans une tribune de la députée européenne écolo Michèle Rivasi intitulée « filtres à cigarettes : une pollution majeure pour des bienfaits sanitaires mineurs ».

Le mégot et le filtre, l’oeuf et la poule

L’élue de la Drôme part du débat, classique désormais, de la pollution qu’engendrent les mégots, mais elle ne se contente pas de la dénoncer comme le font la plupart des élus et des associations. Elle formule deux propositions très concrètes :

  • Attaquer les fabricants de tabac coupables à ses yeux du délit d’écocide, défini comme « le rejet, l’émission ou l’introduction d’une quantité de substances dans l’atmosphère, le sol ou les eaux, causant ou susceptibles de causer la mort ou de graves lésions à des personnes, ou une dégradation substantielle de la qualité de l’air, de la qualité du sol, ou de la qualité de l’eau, ou bien de la faune ou de la flore»

 

  • Dénoncer le filtre à cigarette comme un objet inutile au sens où il ne sert aucunement à empêcher 4 000 à 6 000 substances chimiques contenues dans les cigarettes de provoquer un cancer pour nombre d’entre elles.

 

Ces deux propositions, conduites concomitamment, sont intéressantes car, d’une part elles tranchent de façon nette avec le discours ambiant sur les mégots, et d’autre part elles apportent une solution concrète pour mettre fin à ce problème.

Jusqu’à présent, les initiatives sur les mégots ne visaient qu’à dénoncer la pollution qu’ils engendrent (90% des 7000 milliards de cigarettes fumées chaque année sont dotées d’un filtre, sachant qu’un mégot met 12 ans pour disparaitre, et pollue entre-temps 500 litres d’eau ou 1m3 de neige) et à organiser des collectes, souvent financées par les collectivités locales. Ce qui signifie que les 70% de non-fumeurs paient aussi pour ces opérations de nettoyage. Ce qui parait injuste.

Le filtre qui laisse tout passer

La prise de position de Michèle Rivasi incite à l’analyse du phénomène : s’il y a une pollution des mégots, c’est que les cigarettes ont des filtres.

Mais est-ce que le filtre sert sanitairement à quelque chose, pour polluer autant nos forêts, nos rivières, nos montagnes, et mêmes nos rues ? Est-ce que le filtre a une quelconque utilité pour épargner les millions de morts du tabac, ou sa seule utilité est-elle de maximiser les ventes et les profits des fabricants de tabac ?  La réponse est clairement non selon Thomas Novotny, professeur de santé publique à l’université de San Diego : « il est presque certain que les filtres ne présentent aucun avantage pour la santé, qu’ils ne sont qu’un outil marketing permettant de fumer plus facilement ». Michèle Rivasi rappelle d’ailleurs dans sa tribune que l’adjonction d’un filtre sur les cigarettes a permis de faire entrer, à partir des années 50, les femmes dans le tabagisme, et le résultat se constate dramatiquement aujourd’hui : entre 2002 et 2015, +72% de cancer du poumon chez les femmes et +50% d’infarctus du myocarde, ce qui prouve bien que le filtre ne filtre rien. Et surtout pas les nouveaux consommateurs.

Responsabilité pénale pour les cigarettiers concernant la tromperie sur les filtres ?

Comme le concept « light », interdit en France comme une incitation à fumer, les filtres sont une hérésie à l’heure d’une prise de conscience réelle des vrais méfaits de l’industrie du tabac. Qu’il s’agisse des 70 000 morts par an en France, comme de la pollution généralisée dont ils sont l’une des sources, les filtres ne servent que les intérêts des géants du tabac, certainement pas ceux des gorges sensibles qui peuvent ainsi initier leur dépendance mortifère. De même pour les cigarettes mentholées qui ont eu un début d’existence – inexplicable à l’heure de la protection de la santé publique – avant d’être on ne peut plus logiquement interdites. A cette lumière, les filtres devraient également être interdits, et à l’heure de la responsabilité sociale des entreprises, il apparait coupable de ne pas reconnaître cette malice qui tient de la malhonnêteté – comme les publicités des années 1960 qui faisaient des médecins les ambassadeurs les plus écoutés des fabricants de tabac.

Si Michèle Rivasi semble considérer que le délit d’écocide est constitué concernant la pollution des mégots puisque le filtre ne sert à rien d’autre qu’à maximiser les profits des géants du tabac, ne faut-il pas se demander si la généralisation des filtres comme outil marketing destiné à faire entrer dans le tabagisme femmes et enfants en « jouant » sur le sens du verbe « filtrer », et alors que les fabricants de tabac savent pertinemment qu’ils n’ont aucun rôle de filtration, ne peut pas relever de l’infraction pénale de « mise en danger de la vie d’autrui » ?

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