L’agitation des agriculteurs européens oblige les décideurs politiques à agir

Les décideurs politiques européens ont réduit les règles de protection de la nature, fixé des limites à l’importation de céréales ukrainiennes exemptes de droits de douane et supprimé la nouvelle législation limitant l’utilisation des pesticides, alors même que les protestations des agriculteurs trouvent un écho de plus en plus fort auprès des électeurs à la veille des élections européennes de juin.

De la Pologne au Portugal, les agriculteurs ont obtenu des concessions remarquables en réponse aux vagues de manifestations, remodelant ainsi la politique verte de l’Union européenne à quelques mois des élections européennes.

Les militants écologistes et les analystes affirment que ce retour en arrière illustre l’influence politique considérable des agriculteurs, alors que les partis traditionnels cherchent à empêcher l’extrême droite et les partis nationalistes de gagner des voix dans les zones rurales.

La semaine dernière, les agriculteurs ont à nouveau bloqué les rues entourant le siège de l’Union européenne à Bruxelles, pulvérisant du fumier pour protester contre les faibles revenus, les importations de denrées alimentaires bon marché et la lourdeur des formalités administratives. Ce faisant, les ministres de l’agriculture de l’Union européenne ont soutenu une nouvelle série de changements visant à affaiblir les règles écologiques liées au versement de dizaines de milliards d’euros de subventions agricoles.

« Les élections de 2024 seront celles des agriculteurs en colère« , a déclaré Franc Bogovic, député slovène au Parlement européen et lui-même agriculteur.

Les efforts déployés pour apaiser les agriculteurs ont eu des répercussions sur les principaux piliers de la politique européenne, faisant pression sur l’Union en ce qui concerne le « Green Deal » et les accords de libre-échange.

Virginijus Sinkevicius, commissaire européen chargé de l’environnement, a mis en garde contre un coup « désastreux » porté à la crédibilité de l’Union européenne la semaine dernière, lorsque les pays de l’UE ont refusé d’approuver une loi historique sur la protection de la nature, laissant planer le doute sur l’adoption de cette politique.

L’affaiblissement des règles écologiques en jeu

D’autres mesures écologiques sont en suspens avant les élections. La semaine dernière, les États membres ont demandé à Bruxelles de revoir à la baisse, voire de reporter, une nouvelle politique de lutte contre la déforestation qui, selon eux, pourrait nuire aux agriculteurs locaux.

En France, les sénateurs ont voté en mars contre la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, symbole de la volonté de l’UE d’ouvrir les marchés et de stimuler la concurrence.

Certains groupes d’agriculteurs reconnaissent que la réponse des décideurs politiques aux manifestations est probablement liée aux élections de juin, mais ils affirment que l’affaiblissement des règles écologiques n’est pas ce qu’ils souhaitent.

Les agriculteurs représentent 4,2 % de la main-d’œuvre de l’Union européenne et ne génèrent que 1,4 % de son produit intérieur brut. Cependant, leurs protestations trouvent un écho dans les campagnes, où le mécontentement à l’égard de décideurs politiques distants et les questions d’identité culturelle sont profonds.

L’extrême droite, en France notamment, dépeint les manifestations des agriculteurs comme symptomatiques d’un fossé entre une élite urbaine et des habitants de la campagne en proie à des difficultés. Les agriculteurs constituent un petit groupe, mais l’extrême droite pense qu’elle peut attirer un vote rural beaucoup plus large par extension.

En France, les agriculteurs constituent un électorat de plus en plus important pour le Rassemblement national. Marine Le Pen a notamment appelé à mettre un terme aux accords de libre-échange de l’UE.

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