Du rififi chez les experts de l’Afsset

Absence de concertation, tromperie, manipulation, excès de pouvoir? les 7 experts qui ont écrit à Jean-Louis Borloo et Roselyne Bachelot n’ont pas de mots assez forts pour dénoncer les pratiques de l’Afsset. Ils dénoncent dans une lettre ouverte, la communication biaisée de l’agence en prenant l’exemple de la question des effets sanitaires des champs électromagnétiques de très basses fréquences.

Quelle mouche a-t-elle piqué Henri BRUGERE, Jean-Claude DEBOUZY, François GAUDAIRE, Isabelle LAGROYE, Anne PERRIN, Marc POUMADERE, Paolo VECCHIA et Catherine YARDIN ? Co-signataires d’une lettre ouverte adressée aux ministres de l’Ecologie et de la Santé, ces experts des radiofréquences ont décidé de mettre les pieds dans le plat.

Public « trompé » et « bafoué »

Selon ces scientifiques en colère, la direction de l’Afsset aurait récemment par deux fois « trompé délibérément le public et bafoué l’expertise scientifique ». La dénonciation est grave et argumentée, en se basant sur l’attitude de l’agence en matière de risques sanitaires liés aux radiofréquences.

En réponse à ces critiques, Martin Guespereau, directeur général de l’Afsset, affirme que le rôle de l’agence est de « faire le lien entre évaluation du risque et décideurs », et donc de « faire des recommandations de gestion du risque ». Se fondant que sur le rapport sur les antennes-relais, l’Afsset estimait en octobre dernier qu’il n’était « plus temps de ne rien faire », en conseillant une réduction des expositions aux ondes.

Pour rappel, l’Afsset avait estimé nécessaire en avril de clarifier l’effet sanitaire des lignes à très haute tension, suite à des « associations statistiques claires » entre l’exposition aux champs électromagnétiques extrêmement basses fréquences et les leucémies infantiles, même si aucun lien de cause à effet n’avait été « clairement identifié ».

Autant que le fond que sur la forme

Pour les scientifiques, « après le rapport sur les radiofréquences pour lequel son attitude a été dénoncée en particulier par les Académies des Sciences, de Médecine et des Technologies, la direction de l’Afsset ne semble s’intéresser cette fois-ci aux effets sanitaires des champs électromagnétiques extrêmement basses fréquences (CEM-EBF) que pour mettre en cause les lignes à haute tension ». Selon ces experts, « les méthodes employées par l’Afsset, tant sur le fond que sur la forme », les contraignent à réagir « dans l’intérêt de nos concitoyens et pour défendre la qualité et le respect de l’expertise scientifique ».

Ils dénoncent tout d’abord la publication d’un communiqué de presse par la direction de l’agence, sans concertation avec les auteurs du rapport, qui n’a été publié que 15 jours plus tard par l’Afsset. Les experts rappellent que dans cette affaire, il s’agissait d’évaluer les effets sanitaires des champs électromagnétiques extrêmement basses fréquences

Pour ces scientifiques, non seulement la direction de l’Afsset n’a pas respecté son contrat « en se focalisant sur les seules lignes à haute tension », mais elle est « sortie de ses prérogatives en formulant des recommandations de gestion du risque, sans hésiter pour ce faire à contredire l’avis des experts rédacteurs du rapport ». Ainsi, quand l’Afsset recommande « la création d’une zone d’exclusion de nouvelles constructions d’établissements recevant du public qui accueille des personnes sensibles de minimum 100 m de part et d’autre des lignes de transport d’électricité à très haute tension », les rapporteurs déclarent que « les preuves scientifiques d’un possible effet sanitaire à long terme sont insuffisantes pour justifier une modification des valeurs limites d’exposition actuelles ».

Excès du principe de précaution

Les experts rappellent qu’une option similaire avait été envisagée par le gouvernement britannique et rejetée après une analyse scientifique et une réelle évaluation du rapport coûts-bénéfices. De même, les contestataires de l’Afsset soulignent que de plus récentes expertises collectives internationales excluent unanimement la création de corridors autour des lignes sans que l’agence en fasse mention (OMS juin 2007, SCENHIR janvier 2009 et Health Protection Agency octobre 2009).

Selon ces scientifiques, « c’est manifestement un amateur qui a rédigé l’avis et préconisé sans concertation aucune et contre toute justification scientifique, la création « d’une zone d’exclusion » de 100 m ». « Comment peut-on justifier, sinon par excès de précaution, des recommandations aussi lourdes de conséquences en se fondant sur des études épidémiologiques dont la qualité et les conclusions sont controversées ? » s’interrogent les experts de l’Afsset.

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