Vers un marché photovoltaïque survolté

Par l’association « Sauvons Le Climat », qui ambitionne de donner une information scientifiquement fondée et aussi objective que possible sur le réchauffement climatique et les questions énergétiques en général et de faciliter les échanges et discussions entre ses membres.

On sait que le « Grenelle de l’Environnement » prévoyait la mise en service, avant fin 2020, de 5 400 MW d’électricité photovoltaïque, objectif validé par l’arrêté PPI du 15 décembre 2009. Il en résultera une production annuelle de quelque 6 TWh, soit à peine 1% de la production électrique française actuelle. L’ensemble du dispositif est fondé sur l’« obligation d’achat » de cette énergie par EDF, selon deux tarifs qui étaient fixés par arrêté ministériel du 10 juillet 2006 :

– le tarif « domestique »,  à 0,602 ?/kWh, sous réserve d’« intégration au bâti »,
– et celui des « fermes au sol » à 0,328 ?/kWh (sans astreinte paysagère) 1.

Alors que dès le 17 novembre 2008, Jean Louis Borloo annonçait la création (« mesure 32 ») d’un tarif d’achat intermédiaire, une nouvelle grille tarifaire, à peine moins avantageuse, vient enfin d’être publiée (JO n° 11):

– 0,58  ?/kWh pour tout « bâtiment à usage principal d’habitation, d’enseignement ou de santé » ;
– 0,50 ?/kWh, pour tout autre bâtiment à l’« intégration au bâti » avérée ;
– 0,42  ?/kWh pour tout bâtiment dont l’« intégration au bâti » est « simplifiée » ;
– de 0,314 à 0,3768 ?/kWh pour une « ferme au sol », selon qu’elle est au sud ou au nord de l’hexagone 2.

« Sauvons le Climat » tient à rappeler que les nouveaux tarifs consentis au SER (Syndicat des Energies Renouvelables) sont les plus « incitatifs » au monde, loin devant ceux en vigueur en Allemagne et en Espagne, leaders du secteur. Citons les chiffres de 2009, relatifs au seul « domestique » :

– Allemagne : 0,3914 ?/kWh (pour 2010, mais baissant de 9% chaque année suivante)
– Espagne : 0,34 ?/kWh
– France : 0,58 ?/kWh (« que »  0,50 ?/kWh pour autre bâtiment) jusqu’en 2011 inclus
– Italie : environ 0,44 ?/kWh
– Floride : environ 0,22 ?/kWh
– Japon : environ 0,42 ?/kWh

et soulignons que « nos » contrats obligent EDF sur 20 ans et protège « nos » producteurs contre l’inflation (certes maintenant à 20% seulement).

Si l’on considère que le kWh aujourd’hui produit par EDF lui revient à 0,04 ?, on voit que le surcoût unitaire varie de 0,274 à 0,54 ?/kWh (soit de 700 à + 1350 %) ! Retenant un surcoût moyen de 0,42 ?/kWh appliqué aux 6 TWh/an, on obtient un surcoût annuel de 2,5 milliards d’euros, qui sera forcément répercuté sur les consommateurs, soit, en cumul, un engagement de 50 milliards (en euros de 2010). « Les Echos » du 13 janvier estimaient, avec quelque complaisance, que « pour faire face [à l’actuelle spéculation], il aurait fallu augmenter la facture d’électricité de chaque Français de 10 à 11% ».

Tout cela pour un résultat quasi-nul en termes de réduction d’émission de CO2, et au prix d’un investissement initial d’environ 20 milliards d’euros (soit celui de 5 EPR) ! Bravo les artistes ! 3

Dans ce contexte éminemment malsain, « Sauvons le Climat » :

– redit son attachement au développement raisonnable (car raisonné) des énergies renouvelables, notamment de celles offrant une marge de progrès technique substantielle (ce qui est le cas du solaire) ;

– réaffirme son opposition au système d’obligation d’achat qui fait supporter à tous les clients domestiques (via la CSPE) les surcoûts engendrés par des tarifs aberrants 4

– plaide pour une consommation sur place de l’électricité « verte » produite, seul système véritablement « éco-responsable ».

– et réaffirme la nécessité de développer énergiquement la Recherche et le Développement, non seulement sur la production d’électricité photovoltaïque, mais aussi, et peut être surtout, dans l’usage et le stockage du courant continu qu’elle produit.

et « Sauvons le Climat » déplore :

– l’affairisme (le « Far West » dénoncé par Les Echos du 7 janvier) né de l’effet d’aubaine actuel ;

– le gaspillage de fonds publics sans grand effet sur nos émissions de gaz à effet de serre, ni sur l’émergence d’une industrie nationale, l’essentiel des capteurs venant de Chine ou d’Allemagne ;

– la création de « creux » et « pointes » de production électrique alors même que la DGEC (Direction Générale de l’Energie et du Climat) s’efforce d’« effacer les pointes » (de consommation) !

– la saturation des réseaux de transport et distribution d’électricité, débordés par des milliers de demandes de raccordement ;

– l’enrichissement abusif de certains (« Taux de Rentabilité Interne sur fonds propres » allant de 35% à 90%, selon la Commission de Régulation de l’énergie, réunie le 3 décembre 2009 !)

– et ? un incompréhensible asservissement du MEEDDM au SER nous promettant une crise similaire à celle qu’a connue l’Espagne en 2008 5 ! Serait-ce cela qu’on appelle « effet de SER » ? ?

NB : dans son communiqué du 12 janvier 2010, le MEEDDM dit avoir « constaté le développement depuis début novembre d’une bulle spéculative sans précédent dans le solaire photovoltaïque ». « Phénomène inattendu », selon lui, ou ministère inattentif ? On est en droit de s’interroger car :

– les numéros d’« Enerpresse » des 27-08-09 et 12-11-09 ne pointaient-il pas la file d’attente d’ERDF à 1887 MW fin juin, 2616 MW fin septembre, bien avant novembre ?

– le 25 septembre  2009, nous avions interpellé, par mail, les députés de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire au sujet du « rapport Poignant » qui leur avait été présenté le 16 juillet, soulignant combien il fallait s’attendre à une fièvre espagnole, « l’obligation d’achat poussant à la spéculation, au seul bénéfice des exportateurs … ».

– sans parler de nombreuses études fort savantes, dont nous extrayons le papier de Dominique Finon au titre explicite (« Photovoltaïque : l’inadéquation du tarif d’achat ») 6, l’étude COE-Rexecode (janvier et octobre 2009) et  l’étude de Patrick Jourde sur la « bulle photovoltaïque » (sur le site de SLC).

1)  Les contrats signés ne sont pas susceptibles d’une remise en cause (principe de non-rétroactivité).
2)  Pour bien situer ces chiffres, rappelons que le particulier achète son kWh à  0,1125 ? (tarif de base) et 0,0556 ? (heures creuses).
3)  Le même constat peut  et doit être dressé pour l’éolien : cf. « Surcoût des énergies éolienne et photovoltaïque à l’échéance 2020, selon l’ADEME » sur http://www.sauvonsleclimat.org/new/spip/IMG/pdf/Nostrademus_final-1.pdf. (30 juin 2009). Nul doute qu’il serait beaucoup plus efficace sur le plan environnemental et beaucoup plus moral d’utiliser cette manne à des opérations d’isolation des bâtiments et, d’une façon générale à l’amélioration de l’efficacité énergétique.
4)  Dans le même temps (Enerpresse 30-12-09), l’industrie allemande vient d’appeler à réduire ses propres tarifs d’achat, « pour corriger les rendements excessifs sur le marché ». Leçon à tirer d’un « capitalisme rhénan » pas tout à fait moribond ?
5)  Devant l’ampleur de leur bulle solaire, les Espagnols ont dû non seulement baisser leurs tarifs mais aussi contingenter les autorisations de mise en service.
6)  http://www.centre-cired.fr/IMG/pdf/WP_Finon_Photovoltaic_tarif_CIRED_LARSEN.pdf

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