L’empreinte écologique de la France se dégrade : la faute au secteur du bâtiment ?

batiments-pollution-empreinte-energetique-RT2012

De nouveau en hausse depuis 2015, l’empreinte écologique française trouve son origine pour près d’un quart dans le secteur du bâtiment. Alors que le gouvernement prépare un grand plan de rénovation énergétique dans le résidentiel et le tertiaire, le soutien aux énergies fossiles ne permet toujours pas de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le 5 mai dernier, le France a dépassé son quota de ressources naturelles pour 2018 et commencé à vivre à crédit jusqu’à la fin de l’année. D’après un rapport réalisé en partenariat entre WWF France et Global Footprint Network, il faudrait donc 2,9 planètes à la population terrestre si elle vivait et consommait comme les Français. À l’échelle mondiale, ce « jour du dépassement » aussi intervient plus tôt chaque année : le 8 août en 2016, le 2 août en 2017… De 2008 à 2015, l’Hexagone avait réussi à faire reculer cette date qui fait basculer depuis 1961 ses habitants dans une situation de dette écologique. La crise économique a en effet contribué à faire baisser la consommation des ménages. Mais depuis trois ans, l’empreinte écologique du pays a de nouveau augmenté de 5 %, plaçant la France parmi les nations aux besoins environnementaux les plus élevés. Devancée par le Qatar, qui est venu à bout de ses réserves annuelles le 9 février 2018, la France l’est aussi par les États-Unis, le Canada et l’Australie dès le mois de mars ainsi que la Suède, les Pays-Bas et la Russie au mois d’avril. Précédée de quatre jours par l’Allemagne, l’hôte de la COP21 fait en revanche moins bien que le Royaume-Uni, le Japon ou encore l’Italie, dont le jour de dépassement s’étale sur le mois de mai, la Chine (14 juin), le Mexique (28 août), la Tunisie (9 octobre) ou encore le Vietnam (20 décembre).

Proportionnelle à la superficie disponible du territoire, l’empreinte écologique des Français réside principalement dans le logement (24 %), suivi des transports (23 %) et de l’alimentation (22 %). L’effondrement des cours du pétrole en 2014 est en partie responsable de son augmentation ces trois dernières années à cause d’une utilisation accrue des produits pétroliers dans les transports et le bâtiment, synonyme d’émissions de gaz à effet de serre à la hausse. Cette tendance témoigne « d’une transition écologique encore trop à la traine et à la marge dans le pays », notamment en matière de rénovation énergétique du bâti existant, pointe du doigt le rapport de WWF France. C’est pourquoi – hasard du calendrier ou non – Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique et solidaire, a présenté le 26 avril le nouveau plan d’action de l’État dans ce domaine pour en faire une « priorité nationale ». Accompagné de Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, Nicolas Hulot a confirmé vouloir rénover 500 000 logements par an afin d’alléger la facture énergétique et améliorer le quotidien des millions de Français vivant dans les 7 millions de passoires thermiques recensées dans le pays, soit une résidence principale sur quatre. Aux 10 à 12 milliards d’euros budgétés sur le quinquennat s’ajouteront 4,8 milliards d’euros pour la rénovation du parc tertiaire public. À l’horizon 2050, l’État entend atteindre la neutralité carbone dans le secteur du bâtiment en se concentrant sur quatre axes : lutter contre la précarité énergétique, améliorer les performances de la filière, rendre les bâtiments publics exemplaires et mobiliser les acteurs locaux.

RT2012 : un non-sens écologique qui perdure

Rempli de bonnes intentions, le plan gouvernemental n’atteindra pas des objectifs qui font pourtant « consensus » si les moyens mis en place ne sont pas choisis intelligemment, en intégrant dans la réflexion l’analyse du « cycle de vie » des matériaux, appareils et technologies utilisés, estime Myrto Tripathi, conseillère du président du Business & Climate Summit, dans une tribune sur le sujet. L’importation de voitures électriques n’a ainsi pas de sens si leur « fabrication, transport, maintenance » cumulent plus d’émissions de CO2 « qu’un petit diesel », illustre-t-elle. Les études publiques doivent également inclure plus de « transparence » quant au coût et à l’impact réels des moyens envisagés, à l’image des éoliennes et des panneaux solaires, qui ne produisent respectivement que 22 % et 14 % de leur capacité installée. C’est cependant ce dernier indicateur qui est retenu pour les calculs prospectifs. De même, la Réglementation thermique de 2012 (RT2012) impose une limite de consommation d’énergie inégale selon son origine primaire (gaz, fioul, charbon) ou secondaire (électricité), utilisant un coefficient favorisant les combustibles fossiles. « Cet indicateur fait artificiellement que pour la même quantité imposée par la réglementation, vous pouvez consommer plus de gaz que d’électricité pour la même quantité d’énergie finale, souligne Myrto Tripathi. Les promoteurs immobiliers peuvent donc installer des chaudières à gaz plutôt que des électriques, vous poussant à consommer plus, et de l’énergie la plus polluante, plutôt que de s’obliger à faire des efforts d’isolation. »

Sachant que le bâti français compte pour 44 % de la consommation énergétique du pays, la quantité de tonnes de CO2 rejetée en excès à cause de réglementations comme la RT 2012 se chiffre chaque année en millions, alors même que cette dernière vise à limiter les émissions de carbone. Un non-sens d’autant plus regrettable que d’autres solutions semblent plus judicieuses. Avec une électricité décarbonée à 95 %, la France pourrait en effet concilier efficacité énergétique et écologique depuis longtemps. Mais en continuant à soutenir comme ils le font les énergies fossiles dans le bâtiment, nos dirigeants perpétuent les méfaits de décisions prises sans concertation avec l’ensemble des acteurs de la filière.

  • facebook
  • googleplus
  • twitter