Empreinte carbone : quel impact dans les logements français ?

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Alors que l’empreinte carbone des logements français tend légèrement à diminuer, l’absence de contraintes sur les émissions de CO2 menace d’inverser la tendance. En continuant à favoriser les énergies fossiles dans le bâtiment, la France risque non seulement de ne pas tenir ses engagements contre le réchauffement climatique, mais aussi de voir se multiplier les décès pour cause de pollution intérieure.

En France, l’empreinte carbone a augmenté de 13 % par habitant entre 1995 et 2016 pour s’élever à 10,7 tonnes d’équivalent CO2 émis par personne, d’après le rapport 2017 du Commissariat général au développement durable (CGDD). Cette mesure de la quantité de gaz à effet de serre (GES) émise pour pourvoir à notre mode de vie comprend les émissions produites directement par les ménages (voiture, chauffage, etc.) et celles issues de la fabrication et du transport des biens et services qu’ils consomment. Si les émissions liées aux importations ont explosé de 85 % entre 1995 et 2012, celles associées à la production intérieure ont diminué d’un quart, selon les conclusions du CGDD. Parmi elles, l’usage des voitures particulières et le chauffage des logements ont généré des rejets de C02 légèrement à la baisse sur cette période (- 3%). Une bonne nouvelle compte tenu de la progression continue du nombre de ménages (28,4 millions en 2012 contre 19,9 millions en 1990).

En France, la surface occupée par l’habitat individuel et collectif a augmenté de plus de 45 % entre 1992 et 2014, monopolisant 4 % du territoire national. Au cours des deux dernières décennies, elle a même progressé presque cinq fois plus vite que la population. Selon l’Insee, la surface moyenne occupée par habitant serait en hausse de 31 % entre 1984 et 2013, fruit de l’agrandissement de la surface moyenne des logements (+11 %) et de la diminution du nombre d’occupants par logement (-15 %). Ces évolutions ont eu pour conséquence une augmentation de 10 % de la consommation finale d’énergie dans le secteur résidentiel ces 30 dernières années (472 TWh en 2015, contre 429 TWh en 1985). Cependant, la consommation liée au chauffage a baissé de 2 % sur cette période grâce aux efforts réalisés en termes de performance énergétique. L’amélioration de l’isolation thermique des logements, la substitution des combustibles, le développement des énergies renouvelables et l’installation d’équipements moins énergivores, comme des systèmes de chauffage électrique innovants ou des pompes à chaleur, permettent d’expliquer ces progrès, qui sont également responsables de la baisse de 20 % des émissions de CO2 dans le secteur résidentiel entre 1990 et 2014, souligne le rapport du CGDD.

4,3 millions de morts par an à cause de la pollution intérieure

Deux ans après l’adoption de la loi sur la transition énergétique, la France fait partie des meilleurs élèves de la lutte contre le réchauffement climatique avec une électricité décarbonée à 95 %. L’électricité française n’émet en moyenne que 40 g de CO2 par KWh, contre 430 g en Allemagne. Pourtant, le modèle énergétique français a déjà commencé à vaciller suite à l’instauration d’une nouvelle Réglementation thermique en 2012 (RT2012), qui favorise les énergies fossiles dans le bâtiment. En appliquant un coefficient de 2,58 pour l’utilisation d’énergies secondaires, l’État français favorise les énergies primaires, affublées d’un coefficient nul car considérées comme non-transformées. Par ce calcul, les logements chauffés à l’électricité apparaissent beaucoup plus énergivores que ceux fonctionnant au gaz, au fioul et même au charbon. Avec l’instauration d’une limite de consommation énergétique fixée à 50 KWh/m2/an, la part d’électricité dans le chauffage des nouveaux bâtiments collectifs a ainsi chuté de 70 à 10 % depuis 2012. Un retournement de situation aux conséquences graves pour l’environnement et la santé, que les futures réglementations énergétiques n’ont toutefois pas prévu d’amender.

Constitué à 75 % de nucléaire et 15 % d’ENR, le mix électrique français permet de produire une électricité six fois moins émettrice de C02 que celle issue du gaz, et huit fois moins que celle issue du fioul domestique. En continuant à pénaliser l’utilisation de l’électricité dans le bâtiment, la France prend le risque de faire marche arrière dans son combat contre le réchauffement climatique… alors même que les réglementations énergétiques ont pour but d’accélérer la transition énergétique. « La RT2012 basée sur un raisonnement biaisé empreint d’idéologie n’intègre pas la notion d’émission de CO2 et aboutit in fine à favoriser les énergies fossiles, soit l’inverse des objectifs recherchés ! », résume l’économiste Michel Rousseau, président du think-tank Fondation Concorde. Pire : elle met en danger un nombre croissant de Français, victimes souvent sans le savoir de pollution intérieure. La mauvaise qualité de l’air dans les bâtiments serait responsable de 4,3 millions de décès par an dans le monde, surtout à cause des énergies fossiles. En 2017, une étude britannique a révélé que pour chaque TWh d’énergie produite, la lignite (charbon brut) était en effet deux fois plus mortelle que le pétrole, 12 fois plus que le gaz et 442 fois plus que le nucléaire. Instaurer une contrainte pour limiter les émissions de CO2, et donc réduire la consommation d’énergies fossiles, devient non seulement vital pour l’avenir de la planète, mais aussi pour la santé de l’Homme.

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