Le Chlordécone officiellement responsable de certains cancers antillais

On soupçonne depuis déjà plusieurs années le chlordécone comme principal responsable de contamination des populations antillaises. Selon les résultats d’une étude révélée par l’Inserm, ce pesticide serait bien à l’origine de cancers de la prostate plus nombreux chez les personnes contaminées aux Antilles.

Pour la première fois dans l’affaire du chlordécone, des résultats scientifiques permettent de « suggérer l’existence d’une relation causale entre l’exposition à un perturbateur endocrinien et le risque de survenue du cancer de la prostate » affirme l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, co-financeur de cette étude. Cette association semble être « influencée par le patrimoine génétique individuel ainsi que par des facteurs environnementaux tels que l’alimentation ou le mode de vie » précise l’Inserm.

Le chlordécone est un insecticide organochloré employé aux Antilles de 1973 jusqu’en 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Sa présence persistante dans les sols, les eaux de rivières et les sédiments est à l’origine de la contamination de certaines denrées alimentaires. La contamination des populations Antillaises par ce pesticide a été montrée par des travaux antérieurs. Le chlordécone est considéré comme perturbateur endocrinien et classé cancérogène possible pour l’Homme par l’OMS.

Près de 1 500 personnes étudiées

Les résultats des recherches à paraitre dans Journal of Clinical Oncology sont issus d’un programme de recherche intitulé Karuprostate (cf encadré). Une étude « cas-témoin » a comparé les caractéristiques de 709 personnes nouvellement atteintes de cancer de la prostate à 723 sujets indemnes de la maladie (groupe témoin). L’un des objectifs spécifique du programme de recherche est l’étude de l’influence de l’exposition au chlordécone dans la survenue du cancer de la prostate aux Antilles.

L’ensemble des participants sont originaires de la Caraïbe (Guadeloupe, Martinique, Haïti, Dominique). Leur inclusion dans l’étude a été réalisée de 2004 à 2007. L’exposition au chlordécone a été évaluée par une méthode originale d’analyse de la molécule dans le sang.

L’analyse des résultats par les chercheurs montre que l’exposition au chlordécone est associée à « un risque augmenté de développer la maladie ». Cette augmentation de risque est « statistiquement significative lorsque les concentrations sanguines en chlordécone sont supérieures à 1 ?g/L » souligne l’Inserm. Ces résultats sont confortés par le fait que « les hommes présentant des variations génétiques qui diminuent leur capacité d’élimination de la molécule, ont un risque accru de développer la maladie », précise l’institut.

« L’interaction avec les antécédents familiaux de cancer de la prostate pourrait être expliquée par la présence de facteurs de susceptibilité génétiques communs à la maladie et à la sensibilité aux effets toxiques du chlordécone, mais aussi par des facteurs de risque environnementaux de la maladie, dont l’exposition au chlordécone, partagés par les membres d’une même famille » avance l’Inserm.

Déjà des avancées avec le Plan chlordécone 2008-201

Suite à la publication de ces résultats, le ministère de la Santé a affirmé que des études complémentaires seront menées, notamment en Martinique, ainsi que l’avait proposé le conseil scientifique mis en place dans le cadre du plan chlordécone 2008-2010. Les pouvoirs publics confirment qu’ils poursuivront les efforts importants déjà engagés sur cette question, « en termes de connaissance de la pollution, de remédiation à cette pollution, de surveillance des effets sur la santé des populations et surtout de réduction de l’exposition qui reste une priorité ».

Le gouvernement rappelle que le plan chlordécone annoncé début 2008 a permis en particulier le renforcement de la surveillance des impacts sanitaires de l’exposition au chlordécone (création d’un registre des cancers en Guadeloupe et renforcement du registre des cancers en Martinique, création d’un registre de malformations congénitales des Antilles, renforcement du dispositif de toxicovigilance), mais aussi l’amélioration significative de la qualité des produits agricoles mis sur le marché, la diminution de l’exposition des auto-consommateurs.

Par ailleurs, le plan a mis en place un programme « jardins familiaux » (JAFA) : 12300 enquêtes ont été réalisées sur les parcelles cartographiées à risque de contamination en chlordécone recélant un bâtiment et 1020 prélèvements de sol ont été effectués en vue de leur analyse. Enfin, il a également permis l’amélioration des connaissances sur la contamination des produits de la mer ; sur la base des résultats disponibles et de l’expertise de l’AFSSA, il a été demandé aux préfets d’interdire la pêche et la commercialisation des espèces à risques dans les zones contaminées.

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