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Nous souhaitons mettre en valeur le caractère durable du développement

philippe_vasseur.JPGPhilippe Vasseur, ancien ministre de l’agriculture des gouvernements Juppé 1 et 2, il est désormais Président d’Alliances, association d’entreprises pour la promotion de la Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE). Alliances organise le 1er Forum mondial de l’économie responsable à Lille les 23, 24 et 25 octobre.

On vous avait quitté ministre de l’agriculture du gouvernement Juppé, quelles sont désormais vos responsabilités ?

J’ai abandonné la vie politique en 2000. J’ai démissionné de tous mes mandats. Je ressentais une sorte de lassitude et je ne considère pas la vie politique comme une rente de situation, comme une carrière permanente. Je conserve néanmoins d’excellents souvenirs de cette partie de ma vie et je garde d’excellents amis, mais désormais je suis passé à autre chose.

Et justement, cet « autre chose », de quoi s’agit-il ?

J’ai gardé un certain nombre de fonctions dans le monde de l’agriculture mais sans avoir de responsabilités proprement politiques. Par ailleurs, j’ai pris la présidence d’Alliances, un réseau d’entreprises qui existe depuis 1993 dans la région du Nord. C’est un réseau mobilisant des entreprises souhaitant développer la responsabilité sociale et environnementale (RSE).

Alliances est né en 1993 à l’initiative de trois chefs d’entreprise. Il fédère aujourd’hui 150 entreprises comme Auchan, La Redoute, les Trois Suisses ou encore Bonduelle, des groupes ancrés dans la Région Nord.

A partir du moment où les entreprises décident d’aller plus loin dans le domaine de la protection de l’environnement, de l’achat équitable ou de la diversité en entreprise, cela correspond à notre vocation. Le but est d’agir, d’accompagner, de mettre en lumière des exemples de bonnes pratiques de façon à montrer à d’autres entreprises que cela est possible et leur donner l’envie de se lancer dans ce type d’actions.

Par exemple ?

Nous proposons notamment des actions en faveur de la diversité où l’on accompagne des groupes de jeunes appartenant à ce que l’on appelle les « minorités visibles » pour leur permettre de s’insérer dans l’entreprise. Une autre action, en place depuis deux ans maintenant, consiste à organiser un « forum des stages de l’égalité des chances » pour permettre aux jeunes qui ne peuvent pas trouver de stages dans le courant de leurs études, ce qui est dramatique pour eux, de pouvoir tout de même s’insérer dans une entreprise.

Nous proposons également l’accompagnement des entreprises, et notamment des PME, lorsqu’elles veulent se lancer dans la RSE. Nous proposons donc un ensemble d’actions concrètes, ce n’est pas uniquement de la réflexion, loin de là. Le thème de la RSE qui était considéré comme accessoire en 1993 est désormais devenu une priorité pour beaucoup.

Avez-vous pu constater des démarches similaires dans d’autres pays ?

Il se passe énormément de choses à l’étranger, et notamment dans des pays européens comme l’Angleterre, la Belgique et l’Allemagne. Mais, chose plus surprenante, il en existe dans le monde entier, y compris dans des pays que l’on ne soupçonnerait pas comme l’Inde. D’ailleurs, à l’occasion du Forum, il est prévu que des indiens viennent témoigner. Incontestablement, l’Inde propose de nombreuses choses en terme de diversité. De même, nous faisons intervenir des brésiliens qui sont vraiment très bons dans le domaine de la lutte pour l’insertion des handicapés dans les entreprises.

Pour nous, la responsabilité sociale et environnementale concerne tout ce qui va au-delà des obligations légales. Bien évidemment, dans certains pays, les législations sont plus en avance que d’autres mais pour nous, ce qui est intéressant c’est de voir que les entreprises sont capables d’aller au-delà de la loi, en matière de RSE et d’environnement.

En France par exemple, une loi vous oblige à employer 6% de travailleurs handicapés et si vous ne le faites pas, vous allez payer une contribution financière. Or, si vous êtes une entreprise responsable, indépendamment de cette notion de quota que vous devez respecter, vous allez regarder ce qu’il est possible de faire pour bien insérer les travailleurs handicapés et leur permettre de bien s’épanouir dans la société.

Chez Auchan par exemple, l’usage est l’insertion des travailleurs handicapés, y compris aux caisses des magasins. Il suffit d’adapter les postes de travail aux handicaps des personnes de manière à leur permettre de travailler normalement.

Quelle est l’ambition du Forum ?

On souhaite mettre en réseau toutes ces pratiques, toutes ces expériences, de manière à faire une sorte de pression au niveau national et international. Nous souhaitons montrer que des entreprises le font, et donc que c’est possible, et démontrer que l’on peut être meilleur sur le plan social et environnemental tout en améliorant ses performances économiques.

Nous nous situons plus sur une démarche de long terme, il ne s’agit pas de gagner le maximum d’argent dans le minimum de temps.

Quelle est la position d’Alliances par rapport au Grenelle de l’environnement ?

Je suis à la fois spectateur et acteur puisque j’ai par exemple participé à une réunion régionale préparatoire aux travaux du Grenelle sur le thème n°6, à savoir « promouvoir des modes de développement écologique favorables à la compétitivité et à l’emploi ».

Si l’on veut vraiment bien travailler avec les entreprises, il faut être capable de démontrer qu’on ne nuit pas à la performance de l’entreprise à long terme en se préoccupant des problèmes sociaux et environnementaux, mais qu’on peut même lui apporter un plus.

Le message passera d’autant mieux si l’on démontre que la protection de l’environnement n’est pas nécessairement une charge, mais au contraire que cela peut même améliorer les performances de l’entreprise. D’un point de vue social également, renforcer la cohésion sociale d’une entreprise peut à long terme se révéler très bénéfique pour les résultats.

On distingue clairement l’économie spéculative et l’économie entreprenariale. Ce sont pour nous deux choses très différentes. L’économie spéculative est très virtuelle. En ce qui nous concerne, nous souhaitons mettre en valeur le caractère durable du développement.

Comment vous situez-vous par rapport à des notions comme celles de commerce équitable ?

Le commerce équitable est pour nous l’une des notions de la RSE. Par exemple, tous les ans nous remettons des prix « d’action citoyenne » qui récompensent cinq entreprises, dans des catégories différentes, qui réalisent des actions qui méritent d’être citées en exemple. C’est dans ce cadre que nous avons récompensé l’enseigne Décathlon pour sa politique d’achats responsables avec des cahiers des charges assez forts, des contrôles effectués auprès de leurs sous-traitants à l’étranger…

Et le Forum en lui-même ?

Le Forum n’est pas pour nous un évènement esseulé. Notre démarche n’est pas ponctuelle, elle est permanente. Mais, à l’intérieur du Forum, il y a évidemment des temps forts, comme les 23, 24 et 25 octobre à Lille.

Il s’agit pour nous du premier évènement vraiment visible. Chaque année, nous choisirons un thème différent. En 2009, le thème sera les finances, en 2008 ce sera « nourrir et protéger la planète ». Nous avons choisi cette année « la diversité et l’égalité des chances ».

Nous faisons venir à la fois des chefs d’entreprises, des syndicalistes, des lycéens, français et étrangers, ainsi que des personnalités afin d’apporter un regard extérieur. Il y aura des ateliers, des séances plénières, des intervenants internationaux.

Notre originalité tient à ce qu’il ne s’agit que d’une initiative d’entreprises. La sphère publique n’y sera pas représentée. Les seuls politiques présents seront des locaux comme la Ville de Lille, présente en tant que partenaire. On souhaite éviter toute récupération.

> Pour en savoir + : Alliances, Forum mondial de l’économie responsable

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