L’enjeu des smart cities en Afrique

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Logement, transport, énergie, eau, environnement… En Afrique comme dans le reste du monde, la smart city émerge en réponse aux nombreux enjeux liés à l’urbanisation croissante de la planète.

Avec 2,2 milliards d’habitants en 2050 et 4,5 milliards en 2100, l’Afrique sera bientôt le continent le plus peuplé de la planète, selon les estimations de l’ONU. Et avec l’exode rural qui se poursuit aujourd’hui, les villes africaines abriteront 187 millions de personnes supplémentaires en 2025, soit l’équivalent la population du Nigeria selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2017. D’ici 2040, les Africains seront même près d’un milliard à habiter en ville, à l’image de Nairobi, la capitale kenyane, qui a vu sa population doubler en 15 ans. Cette urbanisation massive n’est pas sans impliquer son lot de problématiques, au premier rang desquelles figure le logement. L’afflux de personnes et le manque de constructions provoquent une tension telle que la plupart des nouveaux arrivants doivent se loger dans des habitats informels, comme les bidonvilles. En Afrique subsaharienne, le phénomène est tel que seuls 28 % de la population citadine vivraient dans des logements classiques, même si beaucoup d’entre eux occuperaient des structures temporaires ou sans titre de propriété… Le transport aussi constitue un frein important au développement des métropoles africaines, aux axes de circulation souvent insuffisants. À Nairobi, le territoire urbain disposerait d’un espace dédié aux routes comptant pour seulement 12 % du territoire, bien loin des 30 % nécessaires à un système de circulation fluide. Les retards induits par la surcharge du trafic routier coûteraient près de 578 000 dollars (517 000 euros) par jour en perte de productivité aux entreprises de la ville. Ces contraintes liées à la surpopulation entraînent d’autres problématiques majeures comme la pollution de l’air, des sols et des eaux, responsable d’environ 700 000 décès en 2016, selon l’OCDE. Le manque d’accès à l’eau, qui devrait toucher 162 millions d’Africains en 2050 (contre 24 millions en 2000), et à l’électricité, dont 57 % de la population d’Afrique subsaharienne est privée, constituent également des sujets de préoccupation importante.

Les startups, principales artisanes de la smart city

Dans ce contexte de fort essor démographique, les villes se doivent de repenser leur modèle de gestion de l’espace, des flux, des déchets et des ressources énergétiques pour permettre un développement harmonieux et pérenne de la population et de l’environnement. La smart city a donc toute sa place en Afrique, où de nombreuses initiatives ont déjà vu le jour à travers le continent. Dans le domaine de l’énergie, les projets se concentrent souvent sur l’augmentation des capacités de production électrique grâce aux énergies renouvelables : construction de la centrale solaire photovoltaïque de Santhiou-Mekhe au Sénégal, renforcement du réseau de haute tension en Afrique du Sud ou encore déploiement de compteurs communicants en Côte d’Ivoire. D’autres solutions off-grid permettent aux ménages plus éloignés des centres-villes, et même aux ruraux, de produire leur propre électricité. Avec la startup californienne OGE, EDF a ainsi développé des kits solaires capables d’alimenter des appareils domestiques basse consommation (TV, radio, ventilateur, chargeur électrique) commercialisés en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Togo. Pour répondre à la problématique du logement, plusieurs projets innovants ont également émergé comme Bitland, un cadastre numérique et participatif fonctionnant grâce à la blockchain au Ghana. Au Rwanda, HomesAfrica met, quant à lui, en relation acheteurs et vendeurs ainsi que bailleurs et locataires. Dans le domaine des transports, la startup sud-africaine CarTrip offre un service de covoiturage permettant, selon son fondateur, de réduire le trafic de 75 % aux heures de pointe. À Nairobi, la municipalité a mis en place un système de gestion de la circulation visant à optimiser l’utilisation des feux, des marquages et de la signalisation aux intersections afin de fluidifier le trafic routier. À Lagos (Nigéria), la startup Wecyclers a eu l’idée de créer une flotte de vélos dédiée au transport de déchets vers les centres de recyclage. Les usagers faisant appel à elle sont récompensés par des points échangeables contre des biens de consommation… Certains pays sont particulièrement réceptives aux bienfaits de la smart city, à l’image de la Côte d’Ivoire. Déterminé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 28 % d’ici 2030 en produisant 16 % d’énergies renouvelables, le pays de 23 millions d’habitants a lancé depuis 2010 une politique d’investissements estimée à 40 millions d’euros pour développer ses infrastructures smart grid.

Les grands groupes au soutien des projets innovants

Pas seulement concentrées sur les grandes zones urbaines, les solutions proposées par les startups sont également adoptées dans les villes de moindre importance, et même dans les campagnes. Face à un manque d’accès à l’électricité encore prégnant, la jeune pousse malgache Mahazava a mis au point un mini-kit solaire permettant de charger de petits appareils ou d’éclairer l’équivalent de trois ampoules pendant sept heures. Pour se financer, elle propose à ses clients d’acheter des crédits d’énergie (environ 25 centimes par jour), avec à la clé la possibilité de devenir propriétaire du kit solaire au bout de deux ou trois ans. Le prépaiement mobile est également la solution choisie par CityTaps pour l’achat par ses utilisateurs des quantités d’eau souhaitées. En passant commande via l’application, n’importe qui peut bénéficier des tarifs subventionnés des opérateurs locaux, sous réserve de disponibilité, pour une facturation intelligente, au plus près de la consommation. Ce fourmillement d’innovations n’a pas échappé aux grands groupes énergétiques comme EDF et Engie, qui accompagnent de plus en plus d’entreprises africaines dans le développement de leurs produits et services. Le premier a ainsi élargi son concours d’innovation à l’Afrique à travers les Prix EDF Pulse Africa, qui récompensent les projets de production électrique off-grid, de services et usages électriques à faible consommation ainsi que d’accès à l’eau. Cette année, les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 8 juillet 2019. « En Afrique, EDF Pulse Africa a détecté des talents et des innovations dont l’Europe pourrait s’inspirer », témoigne Valérie Levkov, directrice Afrique, Moyen-Orient et Méditerranée chez EDF. Engie aussi s’intéresse aux projets prometteurs des startups africaines via sa filiale Engie Afrique et son appel à projets, qui a pris fin le 6 juin. Pour les grands groupes, le développement de projets smart city à l’international constitue un enjeu désormais clairement identifié. Présent dans plus de 20 pays, EDF prévoit grâce à son savoir-faire de tripler sa part de chiffre d’affaires réalisée hors de l’Hexagone d’ici 2030. « Le développement international est l’un des trois axes de notre projet stratégique Cap 2030 et notre stratégie smart city est totalement alignée sur celui-ci », précise Marianne Laigneau, directeur exécutif Groupe d’EDF en charge de la direction internationale.

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