Le secteur de l’assurance est en première ligne de la bataille contre le changement climatique – il doit payer davantage aux assurés, car les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les inondations, les sécheresses, les tempêtes et les vagues de chaleur deviennent plus fréquents et plus graves. Pourtant, il ne cesse d’investir dans les énergies fossiles.
De la même manière que certains des plus gros investisseurs du monde, les compagnies d’assurance font face à des pertes importantes en raison des changements climatiques qui frappent les entreprises dans lesquelles elles investissent. « Le changement climatique comporte des risques pour les compagnies d’assurance, les consommateurs et les gouvernements », déclare Dave Jones, commissaire aux assurances de Californie, dans un nouveau rapport de l’AODP (Asset Owners Disclosure Project), ONG de notation des acteurs financiers sur le climat.
L’Europe fait figure de bon élève
« Les impacts des risques liés au climat sont une réalité croissante pour le secteur de l’assurance » ajoute le rapport. « Les pertes financières liées aux conditions météorologiques, les changements réglementaires et technologiques, les risques de responsabilité et les impacts sur la santé liés au changement climatique ont des implications pour les opérations commerciales, la souscription et la réserve financière des compagnies d’assurance ».
Les assureurs le savent : l’une de leurs principales fonctions consiste à évaluer le risque afin qu’ils sachent combien ils peuvent facturer en primes pour assurer leurs clients. En conséquence, ils consacrent des ressources importantes à l’évaluation de divers risques, et ils ont très bonne idée des impacts financiers du changement climatique.
Et pourtant, le secteur ne s’aligne pas sur les objectifs de réduction des émissions fixés par l’Accord de Paris, pour limiter les températures moyennes à « bien en dessous de 2 ° C», selon le rapport de l’AODP.
Le rapport examine 80 des plus grands assureurs du monde, avec 15 000 milliards de dollars d’actifs, sur leur gestion du risque climatique.
« Moins de 0,5% des actifs investis par les 80 plus grands assureurs mondiaux sont dans des investissements sobres en carbone qui apportent des solutions au changement climatique, malgré le fait que le secteur de l’assurance soit fortement exposé à ses risques financiers » précise le rapport. Et 90% des investissements du secteur ne respectent pas les objectifs de l’Accord de Paris, le rendant alors inaccessible.
En outre, les progrès sont très inégaux selon les régions. « Une poignée de sociétés d’assurance en Europe font preuve d’un véritable leadership en matière de changement climatique et gèrent activement les risques financiers qu’elles posent sur les marchés de capitaux », indique le rapport. Ainsi, les quatre plus performants du classement sont AXA, Aviva, Allianz et Legal & General, tous européens. Outre Atlantique, seules trois d’entre elles ont prévu de décarboner leurs portefeuilles ou de gérer les risques financiers liés au climat.
Pour son rapport l’AODP s’est appuyé à la fois sur des informations accessibles au public et sur des réponses d’enquêtes privées. Seulement 24 des 80 assureurs interrogés ont répondu (contre 21 l’année dernière, ce qui suggère que l’industrie commence à reconnaître l’importance des risques climatiques.)
Une trajectoire à 6°C
Dave Jones a récemment publié les résultats d’un test du secteur de l’assurance qui a montré que de nombreuses entreprises étaient de gros investisseurs dans le charbon, « avec des portefeuilles amenant à une trajectoire de six degrés de réchauffement de la planète ».
Malgré le fait que les meilleurs assureurs du classement européen sont en accord avec l’accent mis sur la préservation de l’environnement, les militants pensent ne pas être à l’abri de risques. En effet, l’allocation moyenne des fonds aux investissements bas carbone, même en Europe, ne représente que 0,79% du total des actifs.
« Les militants mondiaux, soulignent que même les assureurs les mieux notés n’exercent pas toujours leur pouvoir d’actionnaires, mais continuent à soutenir les entreprises à forte teneur en carbone dont les activités sont incompatibles avec l’objectif global de deux degrés », précise le rapport.
Pavel Kirjanas, auteur du rapport, a déclaré : « Cette année, l’AODP a mis l’industrie de l’assurance sous le feu des projecteurs. Nous applaudissons les approches novatrices et prises par les leaders du secteur. Malheureusement, il n’y a pas de temps pour fêter cela. Alors que le monde est secoué par des catastrophesclimatiques, les plus grands assureurs du monde continuent d’appuyer sur le bouton « répète ». Les compagnies d’assurance américaines semblent complaisantes et nous mettent sur la voie désastreuse d’une augmentation des températures de six degrés ».
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