Alimentation : alerte à l’épidémie « Salmonella Kentucky »

Dans le cadre d’une vaste étude internationale, des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’INRA et de l’Institut de veille sanitaire ont pisté l’émergence soudaine et préoccupante d’une salmonelle devenue résistante à presque tous les antibiotiques. Ils s’alarment du développement de la Salmonella Kentucky en Europe qui et évoquent la menace d’une propagation à grande échelle.

Les bactéries du genre Salmonella représentent une des premières causes d’infections alimentaires chez l’homme rappelle l’Institut Pasteur. La surveillance microbiologique des infections humaines sur le territoire français est assurée par le Centre national de référence (CNR) des Salmonella, à l’Institut Pasteur, en collaboration avec les épidémiologistes de l’Institut de veille sanitaire.

Le CNR avait récemment détecté de manière très précoce l’émergence, à partir de 2002, d’un type de salmonelle, chez un petit nombre de voyageurs de retour d’Egypte, du Kenya et de Tanzanie. Cette bactérie, appelée « Salmonella Kentucky », présentait des résistances à de nombreux antibiotiques, notamment aux fluoroquinolones, actuellement l’un des traitements clés des infections sévères à Salmonella.

Bactérie issue des élevages de poulets et de poissons

Pour mesurer et suivre à plus large échelle l’étendue du phénomène, l’équipe du CNR de l’Institut Pasteur, dirigée par François-Xavier Weill et Simon Le Hello, a alors entrepris une vaste étude internationale, associant une dizaine d’institutions de surveillance et de recherche en Europe, aux États-Unis et en Afrique. Encore très limitée il y a peu, cette bactérie inquiétante est désormais en train de contaminer la France comme de nombreux pays.

La collecte des données épidémiologiques a ainsi permis aux chercheurs de suivre en temps réel la spectaculaire explosion de cette bactérie à partir de 2006 : alors qu’entre 2002 et 2008 on recensait globalement 500 cas pour la France, le Royaume-Uni et le Danemark, 270 cas ont été confirmés pour la France seule entre 2009 et 2010. La zone de contamination, initialement limitée à l’Afrique du Nord-Est et de l’Est, s’est en outre progressivement élargie à l’Afrique du Nord et de l’Ouest, ainsi qu’au Moyen-Orient.

Les observations des chercheurs semblent indiquer que l’Egypte pourrait être le berceau géographique des trois étapes d’apparition des résistances aux antibiotiques : c’est dans ce pays qu’ont toutes été identifiées pour la première fois les modifications génétiques qui en sont à l’origine, précise l’Institut Pasteur. Les chercheurs estiment par ailleurs probable que Salmonella Kentucky ait acquis le fragment d’ADN responsable des premières résistances par l’intermédiaire des filières aquacoles, grandes utilisatrices d’antibiotiques en Egypte dès le début des années 1990.

Explosion des cas notamment en France

L’explosion récente des cas serait quant à elle liée à la propagation de la bactérie en Afrique dans la filière volaille, grande consommatrice de fluoroquinolones. C’est le cumul de toutes les résistances sur la même souche de Salmonella Kentucky qui serait ainsi à l’origine de l’épidémie actuelle.

L’émergence de cette Salmonella Kentucky inquiète les scientifiques. Aujourd’hui, dans plus de 10% des cas, les patients n’ont pas déclaré de séjour à l’étranger. La bactérie commence donc selon toute vraisemblance à s’implanter en Europe, multipliant ainsi le risque d’une contamination de la volaille d’élevage et donc la « menace d’une propagation à grande échelle » affirme l’Institut Pasteur.

De plus, les chercheurs de l’Institut Pasteur ont très récemment montré l’existence en Afrique du Nord de quelques souches devenues résistantes aux céphalosporines de troisième génération et aux carbapénèmes. Or, ces antibiotiques constituent le dernier rempart thérapeutique contre la bactérie. « La propagation de ces résistances à la souche Kentucky épidémique constituerait donc une impasse pour le traitement de ces infections » souligne l’institut français.

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