En Gironde, forestiers et scientifiques préparent la forêt au changement climatique

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Le département, particulièrement touché par les incendies de 2022, a lancé fin février une inédite « mission forêt », avec pour objectif de limiter autant que possible les effets du changement climatique. Une expérimentation qui pourrait être étendue à d’autres forêts françaises ; pour ce faire, forestiers et scientifiques sont mobilisés.

Avec 45% de sa surface composée de massifs forestiers, la Gironde – et sa mythique forêt de pins – fait partie des régions françaises fortement exposées aux effets du changement climatique. Pour réduire cette vulnérabilité aux risques naturels (incendies, tempêtes, sécheresse, etc.) et pour imaginer, dès aujourd’hui, la forêt de demain, le conseil départemental de Gironde, en partenariat avec l’Office national des forêts (ONF), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), les propriétaires forestiers du sud ouest, les professionnels de la forêt et des associations de défense de la forêt, a lancé fin février une mission sur la résilience de la forêt girondine. 

 

Près de 30 000 hectares de forêt partis en fumée

« Méga-feu » du 12 juillet à Landiras et La-Teste-de-Buch, incendie du 9 août à Saint-Magne, incendie du 12 septembre à Saumos… : en quelques semaines, près de 30 000 hectares de pins sont partis en fumée. Si aucune victime humaine n’est à déplorer, ces feux cataclysmiques ont dévasté des forêts entières, tué ou chassé des milliers d’animaux, forcé des dizaines de milliers d’habitants à évacuer provisoirement leur foyer et durablement marqué la région.

Mais comment guérir d’un tel traumatisme quand la prochaine catastrophe est déjà en gestation ? Comme tout le territoire métropolitain, la Gironde a traversé un hiver historiquement sec, avec plus de 30 jours sans pluie significative. Un épisode de sécheresse hivernale qui pourrait favoriser de nouveaux incendies et accentue déjà l’angoisse des habitants et élus locaux. « Il y a une réelle inquiétude dans la possibilité de reprise des incendies », déplore Jean-Luc Gleyze, le président du conseil départemental, selon qui les conditions météorologiques « sont pires que (celles) que nous avions au printemps » 2022. « S’il ne pleut pas, nous sommes particulièrement inquiets », confirme Bruno Lafon, le président de la DFCI, l’association de défense des forêts contre les incendies. « S’il n’y a pas de pluie dans les semaines ou mois qui viennent », conclut le chef du département, « nous risquons de nous retrouver avec un été pire que l’été dernier »

 

Le changement climatique fragilise 30% des forêts françaises

En d’autres termes, les feux estivaux couvent dès l’hiver si les sols et les forêts ne reçoivent pas assez de pluie au cours de cette période cruciale. Ces épisodes de sécheresse hivernale sont la résultante directe du dérèglement du climat, comme le confirme une récente étude du CNRS, selon laquelle si « la moyenne des précipitations devrait rester plus ou moins constante, (…) la variabilité va augmenter. On aura des périodes très sèches et d’autres périodes avec beaucoup de pluie », prévient Davide Faranda, chercheur au CNRS. Dès 2020, Météo France anticipait aussi un « changement climatique (qui), du fait de l’augmentation de l’évaporation liée à la hausse des températures, renforce l’intensité et la durée des sécheresses des sols »

 

Moins de pluie, des sols plus secs et des arbres plus fragiles. C’est dans ces conditions que sont nés les feux hors norme qui ont dévasté les massifs de Gironde. Depuis 2018, le territoire français a enregistré des épisodes de chaleur et de sécheresse très intenses, qui ont entrainé un affaiblissement des arbres : 30% des forêts seraient ainsi menacées par le changement climatique. Et, d’après l’ONF, quelque 300 000 hectares dépériraient d’ores et déjà en France, menacés par la pollution, les activités humaines ou les divers nuisibles et maladies qui prolifèrent à mesure que les arbres, eux, se fragilisent. En effet, si les incendies sont évidemment dévastateurs et spectaculaires, « le premier danger pour la forêt, ce sont les parasites », rappelle Pascale Got, la vice-présidente du conseil départemental de Gironde en charge de l’environnement. 

 

De nouvelles essences pour mieux résister aux parasites

Pour renforcer les forêts face aux attaques des parasites et autres insectes ravageurs, le meilleur remède reste encore la diversité des essences. Deux écologues américains, Kevin Potter et Qinfeng Guo, ont ainsi démontré au cours d’une vaste étude que plus une forêt est riche en essences d’arbres – idéalement, plus de 35 –, plus celle-ci permet de « diluer » le contingent d’arbres hôtes et donc de ralentir l’installation des nuisibles. S’il est difficile, en Europe, d’atteindre une telle diversité, l’idée fait néanmoins son chemin, comme en témoigne, toujours en Gironde, l’expérimentation mise en place par l’INRAE dans une forêt départementale de 80 hectares, où « l’introduction du bouleau ne gêne pas la sylviculture, mais fait écran sur certaines catégories, notamment les parasites », affirme l’élue Pascale Got. 

 

Afin d’étudier la faisabilité de ces idées et de tester l’introduction de nouvelles essences, le domaine départemental d’Hostens, qui a presque totalement brûlé lors des incendies de l’été dernier, a été choisi pour faire, toujours selon Pascale Got, office de « laboratoire à ciel ouvert ». Parallèlement à la mission sur la forêt de demain lancée en février, cette pépinière départementale, qui s’étendra sur les 750 hectares du domaine d’Hostens – un domaine qui représente le plus vaste espace naturel sensible du département –, sera le théâtre de nouvelles expérimentations (introduction de bouleau ou de chêne-liège, création de zones humides pour ramener de la biodiversité, etc.) destinées à rendre la forêt de Gironde plus résiliente face aux conséquences du changement climatique. 

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