Le transport aérien, toujours aussi nécessaire et de plus en plus vert

Transport aérien

Économie, recherche, tourisme : l’avion est avant tout un vecteur d’échanges entre les peuples. Pour le secteur, il s’agit aujourd’hui de montrer que ces échanges sont compatibles avec la réduction des émissions mondiales de CO2. Un défi qu’il s’emploie à relever grâce à la culture d’innovation qu’il a fait sienne depuis les origines.

Un impact environnemental surestimé

Flight shaming, flygskam, honte de prendre l’avion : le transport aérien n’a pas bonne presse. Il serait responsable de nombreux maux pesant sur le climat. Et pourtant, ces accusations sont d’abord le fruit d’une certaine méconnaissance. Le transport aérien représente en réalité de 2 à 3% des émissions de CO2 mondiales. Un impact largement surestimé, selon Marc Ivaldi, directeur d’étude à l’EHESS et professeur à la Toulouse School of Economy : « les gens ont pris conscience, veulent faire quelque chose pour le climat et se disent « je ne vais pas me déplacer avec l’avion ». Mais ils verront très vite que ça n’aura aucun ou très peu d’effet parce que, justement, le transport aérien représente très peu de CO2. » Le transport routier mondial est de son côté responsable de 17% des émissions de CO2. « Il faut bien que les gens comprennent que l’impact sur les gaz à effet de serre et le CO2, c’est nous, les voitures, tous les jours et que c’est là où il faut faire des efforts », précise Marc Ivaldi.

Dès lors, si pour limiter le réchauffement climatique, l’enjeu est de lutter contre les émissions de CO2, le transport aérien n’est sans doute pas la priorité. Certains vont même plus loin : pour François Gemenne, spécialiste des questions climatiques et des migrations, il est important de réaliser une typologie des activités qui produisent du CO2 : celles qui n’apportent rien à la société, celles qui lui sont profitables mais qui peuvent être remplacées, et celles qui lui sont bénéfiques. Pour le chercheur, le transport aérien appartient à cette dernière catégorie.

Une invention plus que jamais nécessaire

Il existe de nombreux usages pour lesquels l’avion ne peut en effet être remplacé. Dans la Stratégie Nationale du Transport Aérien 2025, la Ministre chargée des Transports, Elisabeth Borne, rappelle que l’avion constitue un « moteur de notre économie, qui joue un rôle fondamental pour l’activité et l’emploi, et constitue un indispensable outil pour les échanges internationaux ». Si les vols d’affaires ont diminué pendant la crise sanitaire, au profit des réunions en visioconférence, leur disparition pourrait être préjudiciable aux entreprises. Pour Didier Bréchemier, associé au cabinet Roland Berger et spécialiste du transport aérien, « on annihile une partie du langage du corps dans les discussions et les négociations en visioconférences. C’est pourquoi les entreprises ne doivent pas réduire de manière significative les déplacements et celles qui le feront risquent de se trouver désavantagées ».

Dans des secteurs bien précis, comme celui de la recherche mondiale, le transport aérien joue un rôle clé dans la transmission des savoirs. Et dans le domaine du tourisme, l’avion est irremplaçable pour relier entre eux différents continents, et participer ainsi au brassage culturel. Pour François Gemenne, l’avion remplit aussi un rôle social qu’il faudrait démocratiser : « Il y a donc toute une série de déplacements en avion qui restent légitimes. L’avion apporte des bénéfices sociaux, y compris l’aviation low cost, qui a permis à des familles de partir en vacances à l’étranger. » Ces usages placent l’avion au cœur de notre vie et des échanges humains, et invitent à repenser les accusations qui pèsent sur le transport aérien. Faudrait-il s’interdire d’utiliser les outils du numérique, sous le prétexte que le secteur serait à l’origine de 3,7% des émissions mondiales de gaz à effet de serre ?

Un secteur intrinsèquement révolutionnaire

Circulation des savoirs et des personnes, échanges économiques et culturels… Le grand défi de l’industrie aéronautique est donc aujourd’hui de prouver que ces usages ne sont pas incompatibles avec la préservation du climat. Des défis, le secteur aérien en a connu plus d’un. En 2001, après les attentats du 11 septembre, le trafic aérien s’était effondré, avant de revenir à son niveau d’avant crise puis de progresser. Pour Hervé Gardette, producteur de l’émission La Transition sur France Culture, « il ne s’agit pas de vouloir la fin du transport aérien au nom de la lutte contre le changement climatique. Ce serait absurde d’ailleurs que d’imaginer désinventer quelque chose qui existe déjà, et qui par ailleurs est une formidable invention ». Une invention qui a toujours su relever les plus grands défis industriels et techniques, comme le rappelle Bertrand Piccard, qui a réalisé un tour du monde en avion solaire : « Cette industrie a déjà montré ses capacités. Au premier vol en 1903 qui imaginait qu’on pourrait traverser un océan ? Lindbergh l’a fait 24 ans après. A cette époque, qui pensait qu’on dépasserait le mur du son, chose faite en 1947 et qu’en 1969, des hommes s’envoleraient pour la Lune ? A chaque fois des révolutions complètes. »

La prochaine révolution devrait voir l’avènement de « l’avion du futur », décarboné. Et l’industrie aéronautique ne manque pas de moyens d’action pour atteindre ses engagements en faveur d’une réduction des émissions de moitié en 2050 par rapport à 2005. Elle mise par exemple sur les carburants alternatifs et synthétiques, dont la production devrait quadrupler dans la prochaine décennie. Ils pourraient représenter la moitié de l’effort de décarbonation à horizon 2050 selon le rapport Waypoint 2050. Un autre axe d’amélioration réside dans l’optimisation des trajectoires aériennes, au moyen de solutions logicielles qui contribuent à mieux connecter pilotes et contrôleurs aériens pour faire baisser la consommation de carburants. Thalès a ainsi développé une nouvelle version de FMS (Flight Management System) capable de choisir la vitesse adaptée à une consommation minimale de carburant. Chez Airbus, on étudie aussi le vol en formation : en s’inspirant des pratiques des oiseaux migrateurs, il permettrait de réduire de 5 à 10% des émissions de l’avion suiveur. Quant à l’avion à hydrogène, véritable rupture technologique, il pourrait entrer en service en 2033-2035 selon Airbus, d’abord sur les avions régionaux avant d’être adapté aux moyens courriers.

 

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