Les forêts françaises, un atout de poids pour le climat

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En France comme à l’étranger, la gestion des forêts fait l’objet de critiques sur les possibles dérives liées à l’industrialisation. Face à ces inquiétudes, scientifiques et experts s’accordent cependant sur la bonne santé des écosystèmes forestiers dans le pays.

Considérées comme les poumons de la planète et deuxième puits de carbone derrière les océans, les forêts ne fournissent pas seulement des ressources renouvelables et des services environnementaux, comme la production de bois, ou encore la préservation des espèces animales et végétales. Présents sur plus du quart de la surface terrestre émergée, les écosystèmes forestiers et le bois sont au cœur de la lutte contre le changement climatique et contribuent à l’émergence d’une bioéconomie durable, souligne David Marchal, directeur adjoint de l’Ademe. Alors que le réchauffement de la température planétaire est désormais reconnu comme défi majeur de notre siècle, les forêts jouent le rôle de maillons essentiels dans le cycle du carbone sur Terre. Par le mécanisme de photosynthèse, les arbres absorbent en effet le gaz carbonique présent dans l’atmosphère, qu’ils transforment pour leur croissance et stockent dans leurs branches, racines, fruits et feuilles jusqu’après la récolte, résume l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière). Captant près de 15 % de nos émissions brutes de gaz à effet de serre (20% si l’on y ajoute l’utilisation des produits bois), les forêts françaises émettent en retour d’importantes quantités d’oxygène dans le milieu extérieur, ce qui les rend indispensables à notre survie.

Menacés par des pratiques de déforestation massive comme en Amazonie, en Afrique de l’ouest ou en Asie du sud-est, les espaces forestiers ne sont cependant pas en danger partout où ils sont exploités. En France, où ils couvrent près d’un tiers (31%) du territoire, leur utilisation pour les secteurs de l’énergie, de la construction, de l’ameublement ou encore de la papeterie est à la fois industrialisée et durable. La preuve : malgré l’explosion des usages industriels, la surface forestière française, la quatrième plus grande de l’Union européenne, a doublé depuis 1820 et continue d’augmenter (+ 2,7 millions d’hectares ces 30 dernières années). La diminution des surfaces agricoles, l’exode rural, la plantation de milliers d’hectares d’arbres chaque année (1 813 000 hectares entre 2000 et 2016) et la gestion des forêts expliquent en partie ce phénomène. Selon l’IGN, le bilan carbone de la filière forêt-bois française devrait lui aussi rester excédentaire à l’horizon 2030, tout comme le volume de bois en forêt, qui a augmenté de 50 % entre 1985 et 2015. Dans le même temps, l’IGN souligne que le nombre de tiges à l’hectare est resté stable, et que les arbres ont grandi et grossi : le volume unitaire moyen d’un arbre est passé de 0,19 m3 à 0,24 m3. Les peuplements sont donc plus riches aujourd’hui. Et contrairement aux idées reçues, la croissance des arbres concerne davantage les essences feuillues (+ 55 %) que les résineux (+ 40 %), qui peuplent respectivement deux-tiers et un tiers des forêts sur le territoire national.

L’exploitation raisonnée des forêts, un bénéfice double pour le climat

La bonne santé des forêts françaises ne serait toutefois pas possible sans les règles strictes qui encadrent leur gestion. Les réglementations ne portent pas seulement sur l’exploitation, mais aussi sur la préservation de la diversité des espèces. L’édition 2018 de l’Évaluation Française des Écosystèmes et des Services Écosystémiques souligne à ce titre que « la richesse locale en espèces d’arbres est en augmentation et on constate le maintien ou l’amélioration récente de plusieurs caractéristiques reconnues comme importantes pour la biodiversité (présence de très gros arbres et de bois mort, faible fragmentation des massifs, régénération naturelle largement majoritaire) ». Très prisé pour la construction, le douglas représente moins de 3% de la surface forestière, quand le chêne en représente 24%, le hêtre 9%, le châtaignier 5%, les sapins-épicéa 8%, le pin maritime 7%, le pin sylvestre 6%. Les polémiques sur l’appauvrissement et l’industrialisation à marche forcée des forêts françaises, alimentées par des images sensationnalistes d’arbres abattus, seraient donc infondées, selon Miriam Buitrago, ingénieure forêt à l’Ademe. « En France, le code forestier impose une gestion durable des massifs, avec des contrôles réguliers ; les coupes sont soumises à autorisation. Donc au niveau national, on ne peut pas, à mon sens, parler d’exploitation abusive », répond-elle à ceux qui vont jusqu’à qualifier les forêts françaises d’ « usines à bois »…

Car contrairement à certains préjugés tenaces, l’intervention humaine, quand elle s’opère de manière raisonnée, s’avérerait salutaire pour la résilience des forêts face au changement climatique. L’exploitation forestière suivie du renouvellement des peuplements contribuent à lutter contre l’effet de serre, en donnant la possibilité aux forestiers d’adapter les essences aux futures conditions climatiques et en limitant les risques liés aux incendies et aux tempêtes, d’après l’IGN. « Les coupes peuvent favoriser l’installation de peuplement plus résistants au changement climatique », affirme Bernard Munch, directeur général de l’Office national des forêts (ONF). L’exploitation du bois pour la construction, l’ameublement et l’énergie présente, en outre, un double bénéfice en matière d’atténuation du changement climatique. En remplaçant des matériaux polluants par du bois à la production moins émissive de CO2 et en piégeant le CO2 pendant toute la durée d’utilisation de ses produits, l’effet puits de carbone des forêts est ainsi renforcé. Encore faut-il parvenir à dépassionner les débats, un enjeu important et sujet de recherche pour l’Ademe… « Nous devons aborder un volet plus sociologique et pédagogique pour que le grand public comprenne et accepte davantage les récoltes de bois qui font partie intégrante du cycle de production du bois, estime Olivier Picard, directeur de recherche au Centre national de la propriété forestière. Les gens aiment la forêt et les maisons en bois, mais ils sont hostiles à l’arrivée de machines en forêt et à la récolte du bois en vue de sa transformation. Il faut donc redonner du sens à ce cycle. »

 

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