Renoncer aux énergies fossiles : un défi pour les territoires d’Outre-Mer

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La loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a fixé en 2015 un cap ambitieux aux territoires d’Outre-Mer. Bien qu’encore très dépendants des énergies fossiles, ces territoires insulaires, ou faiblement interconnectés, ont pour objectif de décarboner leur mix énergétique. Pour mener à bien cette transition, certains territoires se tournent vers la biomasse liquide en complément d’autres énergies renouvelables. 

La situation énergétique des territoires d’Outre-Mer, Zones Non Interconnectées (ZNI), représente un enjeu spécifique tant ces territoires demeurent fortement dépendants aux énergies fossiles. À La Réunion par exemple, l’électricité est issue de centrales à charbon (36%), de moteurs au fioul lourd (33%), et d’énergies renouvelables pour seulement 31%. En Guadeloupe, pétrole et charbon constituent l’essentiel de l’approvisionnement énergétique : en 2019, près de 78% de l’électricité guadeloupéenne provenait des énergies fossiles.

Des capacités de stockage insuffisantes et difficiles à mobiliser

Pour autant, le développement des énergies renouvelables dans les territoires d’Outre-Mer est en marche. En Guyane, territoire électrique qualifié d’« insulaire » du fait de l’absence d’interconnexion avec d’autres réseaux, les énergies renouvelables représentent 62% de la production électrique, dont 54% sont d’origine hydraulique. Ce chiffre fait d’ailleurs de la Guyane la première région de France dans le domaine des énergies renouvelables. Une tendance qui devrait encore s’améliorer : au moins 600 emplois et plus de 600 millions d’euros d’investissements sont prévus d’ici 2023 pour atteindre 100% d’énergies renouvelables en 2030. En Martinique, si la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale n’atteignait en 2016 que 7%, les efforts entrepris avaient permis d’atteindre 25% en 2019. Quant à La Réunion, la part de la production électrique d’origine renouvelable atteignait 36,5% en 2018, portée par l’hydraulique pour 20% du mix électrique. 

Si les efforts entrepris ont permis d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité, ils ne suffisent pas pour atteindre l’autonomie à horizon 2030. C’est en tout cas la conclusion d’une étude de l’ADEME intitulée « Vers l’autonomie énergétique des ZNI », parue en janvier 2021. L’ADEME considère que dans les ZNI d’Outre-Mer que sont Mayotte, La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, l’autonomie serait possible « dans un horizon post-2035 ». Plus précisément, la nécessité de recourir à des capacités de stockage massives empêche à l’heure actuelle d’envisager l’atteinte des objectifs : « moyennant un recours significatif à des capacités de stockage, un mix électrique 100% EnR est possible pour l’ensemble des territoires d’outre-mer, mais cela semble néanmoins difficilement réalisable d’ici à 2030 en raison du rythme élevé́ qu’il implique pour le déploiement des filières renouvelables« . 

La biomasse liquide comme levier de flexibilité

Les énergies renouvelables actuellement déployées (photovoltaïque et éolien) souffrent de leur caractère intermittent et de l’absence de capacités de stockage suffisantes. C’est la raison pour laquelle certaines îles se tournent vers la biomasse liquide, afin de compenser le caractère intermittent d’autres énergies renouvelables comme le photovoltaïque ou l’éolien. La biomasse liquide issue d’huiles peut être utilisée dans les actuelles centrales qui fonctionnent au fioul lourd. Sans coût d’investissement significatif, la conversion de ces centrales moteurs à la biomasse liquide permet de produire une électricité 100% renouvelable et pilotable, qui permet de sécuriser le système électrique et de compenser l’intermittence. 

La Réunion a franchi le pas, et espère atteindre dans trois ans une production d’électricité à 100% d’origine renouvelable grâce à la conversion de la centrale au fioul lourd du Port-Est. Le biocombustible utilisé permettra « outre une diminution importante d’émission de CO2, une réduction des rejets de soufre, de métaux lourds et de poussières dans l’atmosphère », explique Alexandre Sengelin, directeur de cette centrale d’EDF Production Électrique Insulaire. De quoi parvenir rapidement à décarboner sa production d’électricité, enjeu désormais inscrit dans la PPE de la Réunion. Le Conseil régional a voté sa modification en novembre dernier, avec pour objectif « une décarbonation du mix électrique » pour la fin 2023. 

Un déploiement possible dans les territoires d’Outre-Mer

Pilotable, renouvelable, et exploitable sans coût d’investissement significatif puisqu’il s’agit essentiellement de remplacer le fioul par un combustible renouvelable, la biomasse liquide semble particulièrement adaptée aux spécificités des territoires d’Outre-Mer. De là à envisager son déploiement au-delà de La Réunion ? C’est possible, selon Alexandre Sengelin, qui explique que : « Des essais effectués récemment sur un des moteurs d’une centrale équivalente en Guadeloupe ont été concluants. La conversion sera assez simple. La biomasse liquide pourra être stockée dans les cuves actuellement utilisées pour le fioul et nous aurons très peu de modifications à apporter sur nos 12 moteurs ». Ces essais ont été réalisés sur la centrale de Pointe Jarry en Guadeloupe, après des études menées avec l’IFPEN (Institut Français du Pétrole et des Énergies Nouvelles) et l’accord de la DGEC (Direction générale de l’Énergie et du Climat). Les qualités industrielles de la biomasse liquide ont été confirmées et une amélioration de la qualité de l’air a été prouvée. 

En octobre, la Guyane a également pris la décision de réorienter un projet de centrale initialement prévue pour fonctionner au fioul léger vers de la biomasse liquide. Un arrêté préfectoral a autorisé la mise en exploitation de cette centrale, cruciale pour répondre aux besoins en électricité de la Guyane. Elle permet en effet de remplacer la centrale thermique actuelle de Degrad des Cannes, vétuste, qui doit fermer ses portes. Fonctionnant au fuel, elle fournit 40% des besoins en électricité du territoire guyanais. Selon la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, cette nouvelle centrale à la biomasse liquide doit permettre de réduire « considérablement les émissions de gaz à effet de serre, et réduira également fortement les émissions d’oxydes d’azote (-64%) et d’oxydes de soufre (-99,6%) »  .

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