Tornades : « il existe des zones à risques » en France

Emmanuel WESOLEKEmmanuel Wesolek, consultant météo, spécialiste des phénomènes orageux et des tornades. Fondateur et président de l’Observatoire Français des tornades et des orages violents (KERAUNOS) créé en 2006, et membre de l’ESSL (European Severe Storms Laboratory), l’expert en évènements climatiques extrêmes revient sur la méga tornade qui a frappé l’Oklahoma le 20 mai dernier en rappelant que la France enregistre aussi parfois des tornades mortelles.

La méga-tornade qui a ravagé une partie de l’Oklahoma en début de semaine a surpris par sa violence. Un phénomène d’une telle ampleur est-il rare ?

Les tornades sont relativement fréquentes aux Etats-Unis. Si les premières estimations ont classé cette tornade à une intensité de 4 sur une échelle allant jusqu’à 5, plusieurs éléments supplémentaires permettent désormais de la classer au niveau 5.

Une telle intensité se produit au moins une fois par an aux Etats-Unis. On ne peut donc pas considérer cette tornade comme exceptionnelle. A l’échelle mondiale, c’est aux Etats-Unis que l’on rencontre ce type de phénomène le plus souvent. En Europe, des tornades de cette intensité ne se rencontrent qu’une fois tous les 50 ans.

Dans le monde, quelles sont les régions les plus touchées par ces phénomènes extrêmes ?

D’une façon générale, les régions du monde les plus touchées par les tornades sont bien évidemment les Etats-Unis, mais aussi l’Europe, le Bangladesh ou l’Australie. Pour le reste du monde, cela reste très marginal.

Combien de tornades sont recensées chaque année dans le monde ?

La difficulté du recensement des tornades réside dans le fait que la majorité d’entre-elles passe inaperçue. Il faut distinguer donc le nombre de tornades véritablement recensées et le nombre de tornades estimées. En termes de comptabilité pure, on en recense entre 700 et 1 600 par an, dont une centaine en Europe. Dans les autres régions du globe, aucun recensement n’est effectué. En revanche, seule une à deux tornades se produisent chaque année dans le monde avec une intensité comparable à celle qui a frappé l’Oklahoma.

Comment se forme une tornade ?

Elle se forme à partir d’un nuage d’orage qui a la particularité d’être en rotation. Cette rotation lui est imposée par les cisaillements de vents, c’est à dire quand les vents soufflent dans des directions et à des vitesses différentes, et qu’il existe des différences entre les vents qui soufflent au niveau du sol et ceux qui soufflent en altitude.

Plus le vent souffle fort en altitude et avec une direction différente de celui qui souffle près du sol, et plus cela aura tendance à faire tourner le nuage d’orage. Plus ce dernier sera fort, plus il tourbillonnera, au point de faire apparaitre un petit tube sous la base du nuage, jusqu’à toucher le sol. C’est lorsque ce tourbillon touche le sol que l’on peut parler de tornade.

Il existe une vitesse de vent minimale pour parler de tornade ?

Savoir précisément lorsqu’on peut parler de tornade est une question qui suscite de nombreux débats. Il est cependant communément admis que l’on peut commencer à parler de tornade dès lors que l’on constate de petits dégâts. Cela peut aller de la branche cassée aux tuiles arrachées. Concrètement, cela commence souvent à partir d’une centaine de km/h. Pour les vitesses inférieures, c’est plus difficile à déterminer.

Depuis la création de votre Observatoire en 2006, avez-vous constatez une augmentation du nombre de tornades ?

On recense beaucoup  plus de tornades qu’auparavant mais c’est difficile de comparer, car beaucoup plus de personnes arrivent aujourd’hui à transmettre des images de tornades grâce aux smartphones. Or, on ne peut pas se fier qu’aux seuls témoignages oraux, il nous faut en effet des preuves.

Quelle est la situation de la France vis à vis de ces tornades ?

En France, nous avons recensé 3 cas de tornades depuis le début de l’année, et 24 en 2012. La plupart d’entre-elles se situent à une intensité comprise entre 0 et 1. Elles correspondent à des vents soufflant entre 105 et 150 à 160 km/h. Cela provoque tout de même des dégâts, des branches arrachées, des tuiles qui s’envolent, des toits endommagés, mais cela ne détruit pas de maison. A partir du niveau 1, cela représente tout de même un vrai danger pour les personnes à proximité.

La dernière tornade violente qui a touché la France date du 3 août 2008. Elle était d’une intensité similaire à celle d’Oklahoma, de niveau 4, avec des vents situés entre 280 et 320 km/h. Elle avait provoqué la mort de 3 personnes et des dommages très sérieux à Hautmont dans le Nord, avec des maisons en briques détruites, des arbres déplacés sur plus de 100 m de distance, et des voitures déportées.

Existe-t-il des périodes à risques en France ?

Toute l’année est potentiellement à risques, mais on enregistre quand même plus de tornades entre mai et septembre. Globalement, il y a deux fois plus de tornades en saison chaude.

Certaines régions françaises sont-elles plus exposées ?

Il existe des zones plus à risques que d’autres. La première se situe au nord d’une ligne allant du Poitou-Charentes jusqu’au Pas-de-Calais en passant par la Bretagne, la Normandie et la Picardie. La seconde zone se situe dans le sud de la France et plus précisément dans le pourtour méditerranéen, le Var, le sud des Alpes-Maritimes et une partie du Languedoc.

Dans le Sud, on constate régulièrement des trombes marines qui finissent leur course dans les ports. C’est ce qui s’est passé récemment à Sainte-Maxime. Dès lors que la trombe marine arrive sur terre, on parle de tornade. En revanche, le relief nuit beaucoup à la formation des tornades. Le Massif-Central, les Alpes et une bonne partie du Jura sont donc épargnés.

Pour revenir à la tornade d’Oklahoma, les autorités ont réussi à prévenir la population quelques dizaines de minutes avant l’arrivée du tourbillon. De quels moyens dispose-t-on en France pour prévenir ces catastrophes ?

A l’Observatoire, nous travaillons justement sur la prévision des situations à risques à un, deux, voire trois jours. On arrive désormais à déterminer de façon assez précise une situation à risques et donc à déterminer quelle partie de la France est exposée. Sur les données récentes, 80% des cas de tornades se sont produits sur des jours que nous avions estimé à risques.

Existe-t-il des systèmes d’alerte en France ?

Nous publions tous les matins un bulletin public sur notre site, dans lequel nous indiquons le risque sous forme d’un code couleur. Nous publions également des cartes de probabilité dont une concerne les tornades. En 2008 lors de la tornade d’Haumont, nous avions ciblé une zone à risques située entre la Picardie et le Pas-de-Calais.

En revanche, nous ne disposons pas des moyens techniques permettant de lancer une alerte en temps réel. Contrairement aux Etats-Unis, la France ne dispose pas d’un dispositif d’alerte pour prévenir l’arrivée d’une tornade plusieurs minutes avant la catastrophe. Cela nécessiterait de mettre en place des moyens très importants, avec un maillage de capteurs sur tout le territoire.

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