Santé : l’urgence d’un Grenelle des nanomatériaux

On les utilise tous les jours mais on ne les voit pas? les nanotechnologies s’invitent insidieusement dans notre quotidien dans les peintures, les textiles, les bétons, les crèmes ou les tétines pour biberon. Faut-il s’en inquiéter ? C’est pour tenter de répondre à cette question délicate que l’association VivAgora propose un processus d’expertise original associant scientifiques, militants associatifs, industriels et pouvoirs publics.

VivAgora a choisi de prendre l’exemple des nanorevêtements au dioxyde de titane et à l’argent pour expérimenter un processus d’expertise original associant toutes les parties prenantes à cette question. Dénommé CoExNano, ce projet est soutenu par le Ministère de l’écologie, de l’énergie et du développement durable (MEEDDM) dans le cadre de son appel à projet REPERE, précise l’association. Réalisé avec le soutien d’experts divers et la coopération d’un comité de pilotage pluraliste, le rapport souligne les incertitudes et les difficultés d’accès à l’information.

Peinture, béton, textile, emballages, crèmes, tétines…

Le TiO2 ou dioxyde de titane est une substance composée d’oxygène et de titane. Sous forme de poudre cristalline incolore ou blanche, l’anatase est utilisé comme pigment et opacifiant dans la peinture, dans les plastiques, le papier, les médicaments, les dentifrices, les crèmes solaires et même certaines pâtisseries. Grâce à ses propriétés auto-nettoyantes, dépolluantes ou bactéricides, on retrouve les nanorevêtements dans les bétons, les ciments, les peintures, les filtres, les textiles, tétines de biberon, les emballages alimentaires, ou encore les pansements.

Sous forme micrométrique, les poussières de dioxyde de titane peuvent être source d’irritation oculaire et des voies respiratoires. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le dioxyde de titane cancérogène possible pour l’homme (catégorie 2 B) le 10 mars 2006. VivAgora souligne que peu d’études se sont penchées sur la résistance au temps, à l’abrasion, à l’usure et sur la fin de vie des matériaux contenant des microparticules de TiO2, ni sur la quantité de TiO2 (sous forme micro- ou nanométrique) libérée dans l’environnement.

L’association précise qu’une récente étude suisse a travaillé sur les émissions de nanoparticules d’argent provenant des peintures utilisées à l’extérieur, et a constaté une importante dilution de ces particules dans l’eau. Après un an, plus de 30 % des nanoparticules (en général sous forme de composites colloïdaux) étaient émises dans l’environnement, mais sous une forme moins toxique que les nanoparticules de départ. Sur la base de plusieurs études portant sur la quantité d’argent entrant dans les écosystèmes terrestres ou aquatiques, des scientifiques ont récemment estimé à 300 tonnes la masse des déchets d’argent qui polluerait les écosystèmes mondiaux chaque année.

Selon le premier rapport de VivAgora, « une véritable vigilance collective doit s’appuyer sur 3 piliers ». Tout d’abord réaliser des analyses multidimensionnelles bénéfices-risques qui intègrent l’ensemble des paramètres importants à prendre en compte concernant les produits. Ensuite,  caractériser les résistances à la coopération des acteurs et à leur responsabilisation : confusion efficacité/ utilité, vision de court terme, difficultés à appréhender l’incertitude radicale. Enfin, il s’agit d’approfondir les dilemmes qu’incarnent les produits considérés et les mettre en concertation : protection versus fragilisation (hygiénisme), fuite en avant technologique versus hiérarchisation des priorités?

Accumulation dans certains organes et modification de l’ADN

VivAgora précise que ce rapport d’expertise intermédiaire sera mis en discussion le 9 décembre prochain auprès de divers représentants de la société civile afin de hiérarchiser les questionnements et préoccupations. Le processus devrait déboucher au printemps 2011, sur une concertation des parties prenantes concernées (industriels, académiques, associations, administrations, assureurs, politiques…).

Certaines toxicologues redoutent que ce TiO2 puisse passer les barrières biologiques, et s’accumuler dans certains organes comme le foie, faute d’élimination suffisante par le rein. Pire ces nanoparticules pourraient pénétrer les cellules et modifier leur ADN. Particulièrement sensibles aux effets du dioxyde de titane, les enfants pourraient être les premières victimes du TiO2, d’où certaines recommandations comme celle de l’Autorité européenne pour la sécurité alimentaire (EFSA) qui conseille de ne pas utiliser les crèmes solaires au dioxyde de titane chez les enfants en bas âge.

Pour en savoir + : Rapport complet COEXNANO (pdf)

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