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« La certification halal n’est pas encadrée par les pouvoirs publics »

Paul Mennecier, chef du service de l’alimentation à la direction générale de l’alimentation. Alors que l’alimentation halal est devenue un sujet de polémiques en cette rentrée de septembre, elle est encore mal connue en France où elle s’impose pourtant de plus en plus sur les étals et dans les grands circuits de distribution. Elle suscite diverses interrogations auxquelles répond le responsable de l’alimentation au DGAL.

L’alimentation halal est au c?ur de l’actualité depuis l’initiative de Quick de développer la commercialisation d’hamburgers halal, cette alimentation correspond-elle à une réglementation spécifique en France ?

Il faut bien distinguer deux choses, la certification et la réglementation. L’alimentation halal correspond à une certification qui n’est pas officielle mais une certification qui relève d’une initiative privée. La certification halal n’est absolument pas encadrée par les pouvoirs publics, cela n’a rien à voir avec les Labels rouges ou les AOC.

Qui est véritablement décisionnaire dans cette certification, le Conseil Français du Culte Musulman, la Grande Mosquée de Paris, d’Evry, le ministère de l’agriculture, le ministère de l’Intérieur, des acteurs privés ?

En terme réglementaire, il n’y a rien de différent entre les produits vendus sous certification halal et les produits sans cette certification. Etant de l’ordre de l’action privée, je ne connais pas précisément le cahier des charges de cette certification.

Le ministère de l’agriculture opère-t-il un contrôle adapté à cette certification ?

Absolument pas, encore une fois cette certification n’est pas encadrée par l’Etat. Après, concernant l’étiquetage, comme toutes les mentions qui figurent sur les produits, il existe des contrôles qui visent à s’assurer que les mentions n’induisent pas le consommateur en erreur. Cela relève du droit de la consommation, pour que l’information qui figure sur les étiquettes soit bien loyale et juste.

Certains, comme Bernard Godard, chargé de mission au bureau central des cultes du ministère de I’Intérieur,  remettent en cause le sérieux de la certification de l’alimentation halal comme celle de la Grande Mosquée de Paris, qu’en est-il précisément ?

Je ne peux pas vous dire. Sur le fond, cette certification relevant du secteur privé, je ne peux pas vous apporter des informations sur le degré de qualité de cette certification, n’ayant pas d’éléments officiels sur lesquels m’appuyer.

Est-ce que l’alimentation pose un problème sanitaire spécifique ?

Pas du tout. Tous les produits alimentaires qui sont mis sur le marché, tous labels et certifications confondus, doivent respecter au préalable la réglementation commune. En l’espèce, la certification halal fait l’objet des mêmes règles. Les contrôles sont conduits de la même façon sur les produits issus de cette certification que sur tous les autres produits, avec la même analyse de risques, sans distinction de label ou de certification.

La réglementation sur le bien-être animal est-elle respectée avec l’abattage halal ? L’étourdissement est-il systématique et obligatoire ?

Il y a effectivement un seul point réglementaire qui diffère dans la filière halal, au sujet des animaux de boucherie. Il existe en effet une dérogation possible aux règles d’abattage traditionnel pour cette certification, qui concerne l’exemption d’étourdissement de l’animal. C’est le seul acte qui est un peu différent dans le processus d’abattage.

Mais ce n’est pas pour autant que cette filière ne doit pas respecter les règles de bien-traitance des animaux, qui sont impératives. Elles concernent l’élevage, le transport, mais aussi l’abattage. Les opérations doivent se faire sans souffrance animale.

Difficile pourtant de ne pas parler de souffrance animale lorsque les animaux sont égorgés sans étourdissement ?

Cette dérogation impose cependant que les sacrificateurs qui procèdent à l’abattage des animaux soient habilités par les autorités religieuses. L’objectif est de s’assurer que ces personnes aient bien la compétence pour exécuter les bons gestes et éviter cette souffrance animale.

Dans les faits, est-ce bien la réalité dans les abattoirs ?

Oui, les contrôles sont effectués dans les abattoirs. Des équipes d’inspection composées d’agents de l’Etat sont présentes en permanence dans les abattoirs. Chaque animal fait l’objet d’une inspection ante mortem, à son arrivée à l’abattoir, et post mortem, après abattage, pour s’assurer que l’ensemble de l’animal est bien propre à la consommation humaine.

Sur le volet bien-être animal, il existe de la même façon des contrôles qui sont effectués sur l’identification des animaux, sur la traçabilité et sur le respect du bien-être et de la bien-traitance des animaux à chaque étape. En ce qui concerne l’abattage lui-même, nous disposons de grilles de contrôles harmonisées au niveau national.

Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation entend-t-il mettre fin à l’avenir à cette dérogation et faire respecter scrupuleusement la réglementation sur le bien-être animal ?

La France respecte en tout point la réglementation européenne sur le bien-être animal. Tout cela s’inscrit à 100% dans le droit européen.

Pourtant, certains pays européens comme la Suède ou l’Autriche interdisent cette dérogation jugée inacceptable pour toutes les associations de protection animale, par la Fédération vétérinaire européenne, et par une grande majorité de Français selon un récent sondage IFOP publiée en décembre 2009 ?

La réglementation européenne prévoit cette dérogation. Après, qu’il y ait certains Etats qui dialoguent avec les autorités religieuses en fonction du contexte dans lesquels ils évoluent, c’est leur liberté.

Nous avons prévu dans le code rural et de la pêche maritime le fait que l’étourdissement peut être réversible et pourrait être compatible avec les abattages rituels, qu’il soit pré-jugulation ou post-jugulation. Le droit que nous avons mis en place le permet. Après cela dépend des discussions de l’Etat avec les autorités religieuses, et ce dialogue ne relève pas des ministères techniques mais du ministère des cultes, c’est-à-dire que ministère de l’Intérieur.

Pour conclure, sur le plan économique, disposez de chiffres sur l’importance de ce marché en France ?

Non, s’agissant de notre activité sanitaire, nous ne répertorions pas l’alimentation halal de manière distincte de l’alimentation plus classique. On ne le fait pas plus pour les autres certifications.

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