Piscine : nager n’est pas forcément bon pour la santé

Inquiète du manque d’hygiène des baigneurs, et des traitements mal maîtrisés dans les 16 000 piscines françaises qui accueillent du public, l’Afsset appelle à une modification des comportements mais aussi à une évolution de la réglementation. L’agence préconise même une plus grande vigilance pour combattre certains contaminants à risque.

L’agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail s’est penchée sur les risques sanitaires liés aux piscines réglementées ouvertes au public. Dans un rapport d’expertise qu’elle vient de publier, l’Afsset recommande « plus d’hygiène, et une meilleure maîtrise de la qualité de l’eau et de l’air », Par ailleurs, l’agence appelle à la « vigilance sur les travailleurs, les nageurs de haut niveau et les très jeunes enfants ».

L’Afsset rappelle que les autorités de contrôle constatent un bon taux de conformité à la réglementation des piscines françaises notamment en matière de qualité microbiologique. Cependant, tout risque lié aux microorganismes du type mycose, verrues ou encore diarrhées n?est cependant pas écarté, précise l’agence.

Mycose, verrues, diarrhées, asthme, bronchites?

Pour l’Afsset, le risque prépondérant dans les piscines réglementées françaises est le risque chimique. En effet, les produits de désinfection de l’eau (chlore, brome, ozone, etc.) se recombinent avec la matière organique apportée dans l’eau par les baigneurs et forment des sous-produits qui sont des contaminants chimiques nocifs, comme les trichloramines ou le chloroforme.

Ces composés peuvent atteindre des taux capables d’entraîner des troubles respiratoires (asthme, bronchites, etc.), cutanés (eczéma) et oculaires chez les personnes qui fréquentent les piscines à commencer par les plus réguliers d’entre eux (nageurs sportifs, maitres nageurs, personnels d’entretien et d’accueil). Mais ces risques touchent également les très jeunes enfants dont les systèmes respiratoire et immunitaire sont encore en développement.

Dans ce contexte, l’Afsset recommande plusieurs évolutions pour mieux protéger la santé des utilisateurs des piscines collectives. Pour réduire la concentration en polluants des piscines, l’Afsset estime qu’il faut à la fois « un net renforcement de l’hygiène corporelle », pour réduire l’apport de matière organique et de pathogènes. Cela passe par un strict respect des mesures habituelles (douches savonnées, port de bonnet de bain, propreté, etc.).

Baigneurs sales et traitements chimiques mal maîtrisés

Les établissements pourraient plus accompagner les baigneurs en jouant sur l’agencement des locaux pour rendre évidents les points de passage, en mettant du savon dans les douches, en renforçant les injonctions d’hygiène, etc. Ces mesures simples et à faible coût sont très efficaces pour réduire la contamination de l’eau.

Par ailleurs, l’agence préconise « une meilleure maîtrise des traitements ». Dans ce domaine, l’Afsset recommande une révision de la réglementation à cet égard. L’Afsset recommande d’instaurer un suivi de la qualité de l’air des piscines.

L’Afsset demande aussi le classement des piscines couvertes dans la catégorie des « bâtiments à pollution spécifique » ce qui entraînerait l’obligation de maintenir un débit minimum d’air neuf (60 m3 par heure et par occupant). Ce point apportera un bénéfice important pour les travailleurs.

Réduire la quantité de matière organique

Pour l’eau, l’Afsset recommande des efforts pour réduire la quantité de matière organique présente. Cela passe par la mise en place d’une coagulation avant la filtration, par le suivi de paramètres nouveaux (turbidité, carbone organique total). Elle recommande aussi une mise à jour des paramètres de contrôle de la désinfection (suivi de la bactérie E-coli?).

L’Afsset propose également de mettre en place des protocoles adaptés pour le nettoyage des surfaces et l’entretien des locaux. Ces milieux n’étaient pas pris en compte jusqu’ici par la réglementation. Enfin l’Afsset recommande d’instaurer un auto-contrôle continu obligatoire dans les piscines.

Ces deux points bien maîtrisés permettraient de diminuer sensiblement la concentration en désinfectants dans l’eau (jusqu’aux niveaux de la réglementation allemande, soit 0,3 à 0,6 mg/L pour le chlore) et de faire chuter en même temps les taux de polluants, sous-produits de désinfection. Le bénéfice sera important pour toute personne fréquentant les piscines, à commencer par ceux qui le font régulièrement, précise l’Afsset.

Vigilance accrue pour les jeunes enfants et le personnel

Au-delà, pour le cas spécifique des très jeunes enfants (typiquement moins de 2 ans), l’Afsset appelle à la vigilance, du fait de leur sensibilité particulière aux sous-produits de désinfection et de leur moins bonne maîtrise de l’hygiène. Il importe que les bébés nageurs aient un suivi médical s’assurant de l’absence de contre-indication (notamment antécédents respiratoires).

L’activité devra se faire dans des bassins dans lesquels la qualité de l’eau est parfaitement maîtrisée (bassin spécifique, eau recyclée, personnel formé?). S’agissant du personnel travaillant dans les piscines, l’Afsset préconise un suivi médical renforcé en plus de l’évaluation des risques sanitaires.

Cette expertise de l’Afsset a été réalisée à la demande des ministères en charge de la santé et de l’écologie dans le but d’engager une refonte de la réglementation concernant les baignades. Ce travail sera prochainement complété par une évaluation des risques sanitaires liés aux piscines dites « atypiques » (thalassothérapie, bains à remous, piscines thermo-ludiques, etc.). Ses conclusions seront présentées en 2011.

16 000 piscines et 25 millions de baigneurs

Pour rappel, près de 16.000 piscines, destinées à un usage sportif ou de loisir (piscines municipales, d’hôtels, de camping, de résidence de vacances, etc.) et alimentées par l’eau du réseau de distribution publique, sont concernées, par ce rapport. Ces piscines accueillent 25 millions de baigneurs par an.

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