Algues vertes : les révélations vont se poursuivre

ollivro_andreAndré Ollivro, fer de lance depuis plus de 20 ans du combat contre les algues vertes qui ravagent les côtes bretonnes du côté de Saint-Brieuc. Après avoir rencontré en août, le Premier ministre qui s’est engagé à participer au nettoyage de ces rivages, le président de l’association « Halte aux marées vertes » s’exprime après la révélation du décès suspect d’un homme qui convoyait ces algues polluantes.

L’affaire des algues vertes bretonnes vient de rebondir après la révélation du décès suspect d’un homme de 48 ans, quelle est votre réaction ?

J’ai appris cette information vendredi dernier par une personne proche de Thierry Burlot, Président du Smectral, président du syndicat mixte de traitement des ordures ménagères de Lantic (NDLR : syndicat qui gère l’usine de compostage où le salarié décédé venait de déposer un chargement d’algues vertes). Elu régional socialiste, Thierry Burlot devait être ennuyé de révéler cette affaire qui est embarrassante pour de nombreux politiques de la région.

Dès que j’ai eu connaissance du décès de cet homme vendredi, j’ai appelé directement plusieurs journalistes qui se sont vus confirmés cette information par la Préfecture et Ouest-France a révélé l’affaire le lendemain. Dès la parution de cet article, TF1, France 2, etc. sont venus m’interroger pour faire des reportages sur cette affaire, et tout cela a permis de délier les langues.

Au fur et mesure, les informations sortent. J’ai par exemple appris que la personne décédée avait un collègue qui s’était évanoui le matin même du drame. Par ailleurs, l’entreprise en charge du ramassage de ces algues est la même que celle qui était en charge du ramassage à Hillion, où des personnes avaient subi des brûlures aux yeux.

Quels sont les principaux risques de ces algues vertes ?

Nous avons pu démontré avec le Dr Lesné que les gaz dégagés par ces algues contiennent de l’hydrogène sulfuré et surtout du mercaptan (NDLR : gaz encore appelé méthanethiol), un gaz très toxique, encore plus dangereux que le sulfure d’hydrogène. Ce gaz est utilisé dans le gaz naturel pour qu’on puisse sentir le gaz domestique à l’origine inodore, même à des doses très faibles.

Travaillant au centre de recherches de Gaz de France, j’avais prévenu il y a déjà une vingtaine d’années des dangers de ces algues. Il y a encore 3 ans, j’avais évoqué le danger de ces gaz au Sage (NDLR : schéma d’aménagement et de gestion des eaux) et on m’avait pris pour un fou.  On trouve uniquement ce qu’on cherche. Pendant longtemps, on n’a pas recherché la présence de ces gaz toxiques. L’étude récente (NDLR : de l’INERIS) commandée par Chantal Jouanno a enfin confirmé la toxicité de ces algues.

Après la mort de chiens, d’un cheval, du malaise de son cavalier, du décès désormais d’un homme, pensez-vous que ces révélations pourraient être les premières d’une plus longue série ?

Les révélations vont se poursuivre. Après la mort des chiens l’année dernière, on me conseillait de me taire. Comme j’étais persuadé des risques, j’ai continué à me battre. Depuis, j’ai reçu une série de témoignages à propos d’animaux morts, dans la région de Saint-Brieuc, mais également de Paimpol, du Nord, mais aussi de gens qui ont eu des malaises mortels suspects.

Pendant longtemps, on ne parlait que d’une pollution visuelle. Aujourd’hui que le risque est révélé, les gens prennent conscience du danger de ces algues. C’est une sacrée victoire pour moi. Les choses avancent puisque depuis le décès de cet homme, le Procureur a décidé de mener une enquête.

Après Jean-Louis Borloo, c’est maintenant Chantal Jouanno qui s’est dit « plutôt favorable » au retrait de l’appel qu’avait interjeté l’Etat dans le procès des algues polluantes, pensez-vous que les politiques sont enfin prêts à assumer les dégâts de cette pollution ?

Une chose est sûre, c’est que les politiques veulent tous participer au grand rassemblement du 27 septembre prochain à Hillion, du Collectif Marée Verte Urgence, qui regroupe toutes les associations qui demandent réparation à l’Etat des dégâts causés par ces algues vertes, pour mise en danger de la vie d’autrui. Avec ce collectif, après le Tribunal administratif, nous voulons porter cette affaire au Pénal, pour non respect des lois fondamentales de l’eau.

Quel est l’objectif de ce rassemblement ?

L’objectif est clairement de poursuivre la pression médiatique et populaire. C’est elle qui a permis de pousser le Procureur à lancer une enquête, et nous allons continuer à mettre cette pression sur la Préfecture pour qu’elle pèse plus sur l’agro-business, sur les coopératives. S’agissant de cet appel de l’Etat, j’avais déjà conseillé à Nathalie Kosciusko Morizet de le retirer l’année dernière, lorsque je l’avais rencontré. C’est le même message que nous avons adressé à François Fillon cet été.

Le Premier ministre vous a-t-il fait des promesses en ce sens ?

Je suis content que François Fillon se soit engagé à expérimenter le ramassage des algues en mer, car j’y suis favorable depuis longtemps. Plus vous ramassez ces algues vertes tôt, moins elles se développeront, et moins elles se déverseront sur les rochers où il est difficile de les ramasser. Il faut développer la recherche dans ce sens.

J’ai proposé au Premier ministre, à l’image de la logique appliquée sur les routes, de placer des radars à nitrates dans les rivières pour constater véritablement si les choses évoluent dans le bon sens. Il faut savoir qu’on a supprimé l’essentiel des capteurs à nitrate dans les rivières sous prétexte qu’ils coûtaient trop chers à entretenir. En réalité, on préfère se contenter des estimations et de relevés ponctuels alors qu’on pourrait très facilement faire de la télésurveillance.

Comment réagissent les élus locaux après ces révélations ?

Ils continuent de ménager la chèvre et le chou. Les politiques locaux ne sont pas très à l’aise sur la question parce que ce sont eux qui ont délivré les autorisations, les permis de construire pour tous ces élevages. Mais toutes ces révélations devraient permettre de donner des arguments aux élus pour se montrer plus autoritaires et plus respectueux des lois.

Et les réactions de l’agriculture bretonne ?

J’ai reçu des lettres de menaces et des tentatives d’intimidation. Mais il y a des gens responsables dans l’agriculture bretonne qui commencent à remettre en cause le tout intensif.

Quelles sont selon vous les solutions à court et moyen terme ?

Il faut mettre en place une signalisation générale, commune et identifiable, qui prévienne de ce danger sur toutes les plages à échouage. Ces algues sont concentrées à 50% autour d’Hillion, 30% autour de Plestin-les-Grèves, et le reste du côté de Douarnenez, et ensuite c’est plus disséminé. On considère qu’environ 100 sites ont été touchés cette année avec une augmentation de 40% du tonnage depuis deux ans.

Dans le même temps, il faut enfin respecter les objectifs de la directive européenne qui impose à la France d’ici 2015 de retrouver des eaux et rivières de bonne qualité. Dès qu’il s’agit de réduire la pollution à la source, on baisse la tête. Il ne faut pas se contenter de réduire de 40% la charge azotée sur les flux, ça ne veut rien dire.

Le 28 septembre, il y aura un vote au Parlement de l’eau, du contrat du bassin versant du Gouessant. Je vous annonce déjà que je demanderai aux élus de s’abstenir, et s’opposer enfin au développement des algues vertes.

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