« RTE a joué le jeu de la concurrence »

dominique_maillard-rte_1.JPGDominique Maillard, président du directoire du Réseau de transport d’électricité (RTE) depuis mai 2007. Filiale à 100% d’EDF, RTE est chargée de la gestion du réseau de transport d’électricité français (lignes à haute et très haute tension).

Pouvez-vous nous rappeler les missions de RTE ?

RTE, que je préside depuis mai 2007, est l’opérateur du réseau de transport d’électricité français. C’est l’entreprise de service public qui exploite, maintient et développe le réseau électrique à haute et très haute tension (de 63 à 400 000 volts) sur le territoire français. Garant du bon fonctionnement et de la sûreté du système électrique, RTE achemine l’électricité entre tous les fournisseurs d’électricité (français et européens) et les consommateurs, qu’ils soient distributeurs d’électricité ou industriels directement raccordés au réseau. Dans le marché ouvert de l’électricité, RTE transporte l’énergie électrique pour tous les utilisateurs du réseau, de manière strictement équitable et non discriminatoire.

Quel est l’actualité 2008 de RTE et ses perspectives à moyen terme ?

Si 2008 est une année riche en actualités pour RTE, je mettrai d’abord en avant un élément structurant qui est l’accroissement de nos investissements. Cette décision répond à une nécessité durable liée au financement de l’ensemble des travaux sur le réseau public de transport d’électricité, essentiels pour garantir la sécurité d’alimentation électrique de notre pays.  En 2008, le volume total de nos investissements s’élèvera à 850 M?, en progression de 7% par rapport à 2007. Nous prévoyons de poursuivre cet effort, pour atteindre environ un milliard d’euros par an à partir de 2009.

Cette forte augmentation de nos investissements est nécessaire pour répondre à cinq priorités : développer les capacités d’échange d’électricité avec nos voisins européens (grâce aux interconnexions), raccorder efficacement tous les nouveaux moyens de productions (et notamment les énergies renouvelables comme l’éolien), déployer les nouvelles technologies sur le réseau (par exemple les fibres optiques), recourir, de manière plus large, à la pose en souterrain pour les réseaux régionaux à haute tension (63 et 90 000 volts), et enfin, renouveler certaines infrastructures (lignes ou postes de transformation) devenues obsolètes.

Pour illustrer ce changement de rythme, plusieurs grands projets peuvent être cités. Ainsi, le projet d’interconnexion électrique entre la France et l’Espagne, qui permettra de renforcer la sécurité des deux systèmes électriques et d’assurer plus de solidarité entre les deux pays, notamment dans les zones frontalières. Elle jouera un rôle clé dans le développement du marché électrique ibérique et dans son intégration dans le marché européen de l’électricité. Le 27 juin dernier, lors du séminaire de Saragosse, un accord historique décisif a été conclu en ce sens par les gouvernements français et espagnol.

Autre grand projet en cours : la ligne très haute tension Cotentin Maine, nécessaire pour insérer la production du futur EPR de Flamanville  dans le réseau de transport d’électricité. Ce projet entre prochainement dans une nouvelle phase, celle de l’enquête publique, en vue de la définition précise du tracé, à partir de l’étude d’impact détaillée.

Parmi les réalisations récentes, signalons la nouvelle ligne à 400 000 volts reliant  Lyon à Chambéry, qui a été inaugurée en avril dernier. Elle répond à trois enjeux majeurs : renforcer un « maillon » faible du réseau électrique Rhône-Alpes, sécuriser le réseau en cas de défaillance et optimiser son exploitation.

Quelles sont vos priorités en terme de développement durable ?

Les projets de développement de nos infrastructures industrielles vont étroitement de pair avec l’engagement fort de RTE en faveur du développement durable, qui s’inscrit désormais explicitement au c?ur de notre stratégie.

Dès ma prise de fonctions, j’ai souhaité que cet engagement en faveur du développement durable devienne réel et crée une dynamique qui traverse toute l’entreprise, donnant du sens à ses actions, les structurant et les complétant, selon des objectifs connus de tous. Respect de l’environnement, développement économique et social sont les trois axes du développement durable sur lesquels nous portons une attention particulière, comptant ainsi apporter notre pierre  à un modèle de développement qui « répond aux besoins des générations du présent, sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».

Dans le domaine social, j’ai à c?ur de signaler que RTE a créé en janvier 2008 sa Fondation, dont la vocation est de contribuer à des projets de solidarité en milieu rural. Les 1ers mois de fonctionnement sont très encourageants puisque la Fondation RTE, en moins d’un an, a déjà soutenu 16 projets qui interviennent, en milieu rural, dans des champs variés comme l’insertion des personnes éloignées de l’emploi, la création d’activités et services, le renforcement du lien social, la lutte contre l’exclusion, la valorisation du patrimoine bâti, culturel, ou naturel.

Du point de vue du développement économique, RTE, qui est au c?ur du marché européen de l’électricité, coopère jour après jour avec ses homologues européens gestionnaires de réseaux de transport d’électricité pour renforcer la sécurité du système électrique européen. Parallèlement, RTE participe au développement des échanges d’électricité sur ce marché. Le 5 septembre dernier, RTE a annoncé avec Elia, son homologue belge, la création d’un centre de coordination technique régional commun qui sera basé à Bruxelles et dont la mise en service est prévue dès février 2009. RTE et Elia pourront ainsi renforcer la sécurité opérationnelle de leurs réseaux, notamment en réponse à l’extension en cours du couplage des marchés. Par cette initiative, qui a été saluée par la Commission européenne, nous souhaitons collaborer étroitement avec les autres gestionnaires de réseau de transport de la région centre-ouest de l’Europe afin d’élargir cette initiative à toute la région.

Pour le respect de l’environnement, des initiatives nouvelles visant notamment à réduire l’empreinte écologique de notre entreprise, sont initiées. Ainsi est initiée la mise en place d’un bilan carbone, d’un chantier de performance énergétique de nos bâtiments, des actions de préservation et de développement de la biodiversité etc?

Pour la première fois et sans y être tenu par une disposition réglementaire, nous avons annexé à notre rapport d’activité un livret sur le développement durable qui décrit nos actions et nos ambitions.  Ces éléments ne se substituent pas aux engagements existants de RTE en faveur des paysages, de la concertation ou même des objectifs de maîtrise de nos impacts industriels qui demeurent. Au contraire, ils viennent compléter ces mêmes engagements.

A moyen et long terme, et vous le comprendrez bien, les enjeux de RTE tiennent dans une résolution durable de l’équation entre le nécessaire  respect de l’environnement et le développement économique et social dont nous sommes un vecteur majeur, au service de nos clients, au sein du marché de l’électricité français et européen.

Quel est l’état actuel des réseaux d’électricité en France ?

Je ne répondrai ici que pour le réseau public de transport dont le développement, l’exploitation et la maintenance ont été confiées à RTE. RTE veille au bon état des lignes haute et très haute tension (63 000 à 400 000 volts) du réseau de transport d’électricité, ce qui équivaut à 100 000 kilomètres de lignes. Les parts allouées à la maintenance et au renouvellement des équipements sont quasi égales, respectivement 250 millions et 230 millions d’euros en 2008.

La maintenance courante du réseau est aussi réalisée directement par les équipes de RTE, à l’exception des opérations de peinture ou d’élagage. Notre politique de maintenance a des objectifs de fiabilité  et de qualité de service mesurables : nous utilisons des indicateurs très précis comme le temps ou la fréquence de coupure. Nos méthodes sont inspirées de l’excellence des pratiques de l’aéronautique : baptisée « optimisation de la maintenance par la fiabilité » (OMF), notre maintenance  est  basée sur le retour d’expérience et une approche statistique.

Un calcul économique de valorisation du kWh non livré permet de déterminer si la maintenance ne suffit plus et d’enclencher alors le renouvellement des équipements avec des technologies  plus performantes.

Y a-t-il des zones géographiques sensibles dans l’Hexagone ?

La Bretagne et la région PACA sont des péninsules électriques et connaissent pour cela une situation de fragilité. Sur la région PACA,  RTE met en ?uvre des mesures palliatives afin de renforcer son réseau. En parallèle de leur réalisation et en partenariat régional avec l’ADEME, la Préfecture et le distributeur ERDF, RTE a lancé en 2007 un dispositif d’appel à la modération en cas de forte consommation d’électricité sur ce  territoire. Cette initiative  d’appel au civisme fait école et sera aussi mise en place en Bretagne avant l’hiver prochain avec l’objectif de prévenir les risques de coupure d’électricité, par exemple en cas de vague de grand froid.

Pour quelles raisons venez-vous de lancer un emprunt de 1 milliard d’euros ?

RTE vient en effet de contracter son 3è emprunt obligataire, le 28 août dernier, pour un montant d’un milliard d’euros. Cet emprunt est destiné à refinancer une partie de la dette existante apportée par EDF à l’entreprise au moment de sa création. Entendons nous bien : il n’y a pas augmentation mais refinancement de la dette existante. De plus, l’excellent accueil de cet emprunt confirme la grande confiance que les marchés financiers accordent à RTE, qui gère sa dette de manière autonome depuis 2005. Le succès rencontré lors de cette transaction atteste de la solidité de notre structure financière au service de nos missions. Et, désormais, plus de la moitié de sa dette est gérée en direct par RTE.

Quelles sont vos relations avec EDF et ERDF, une autre filiale d’EDF ?

Nos relations avec ERDF sont excellentes. Rappelons que les gestionnaires de réseaux de distribution que sont ERDF et les 25 entreprises locales de distribution, sont des clients de RTE, dans la mesure où ils « soutirent » l’énergie électrique sur le réseau public de transport que nous exploitons pour la distribuer dans la proximité, via les réseaux de distribution, jusqu’aux points de consommation de particuliers, des collectivités, des PME-PMI etc?

Parmi les distributeurs, ERDF occupe certes une position de « major » sur la carte de France.  Mais le fait que ERDF soit client filiale d’EDF, au même titre que RTE d’ailleurs, n’est pas le fait principal. Ce sont les objectifs de satisfaction de nos clients qui nous guident.

En tant que professionnel, comment jugez-vous l’ouverture du marché de l’énergie qui fête son premier anniversaire ?

Permettez-moi une petite précision, l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité en France a commencé en 1999, d’abord pour les plus grands consommateurs industriels, avant de s’étendre progressivement à tous les industriels, puis aux PME-PMI et enfin jusqu’aux clients particuliers, comme vous et moi, en juillet 2007.

L’ouverture des marchés est donc une réalité incontestable, tant au plan physique qu’économique. Le volume des échanges d’électricité aux frontières de notre pays va croissant depuis huit ans. Cette multiplication des échanges est une raison d’être pour notre entreprise. Depuis notre création, en juillet 2000, RTE a en effet pour vocation première d’acheminer, de manière impartiale et efficace, tous les électrons, français et européens, circulant sur le réseau français.

Le bilan est là : tout le monde reconnaît, à Paris comme à Bruxelles, que RTE a joué le jeu de la concurrence. La meilleure preuve : aucun litige n’a été porté contre nous par un utilisateur du réseau devant le « juge de paix », la Commission de Régulation de l’énergie. Et mieux, RTE a été cité deux fois positivement par la Commission européenne comme une entreprise favorisant la compétition au sein de l’Union.

Pour résumer notre positionnement, et les enjeux qui y sont liés, nous avons un rôle pivot central : mettre en ?uvre, en France, les missions de service public dont nous sommes responsables pour permettre au marché européen de se fluidifier et de se développer encore dans les prochains mois.

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