Des cellules souches pour réparer les poumons

hopital_sante.jpgDes chercheurs de l’Imperial College de Londres ont réussi à implanter dans des poumons de souris des cellules pulmonaires obtenues à partir de cellules souches embryonnaires.

Cette première mondiale, qui a été présentée au Congrès annuel de la Société européenne de pneumologie (ERS) à Stockholm, ouvre des perspectives passionnantes pour le traitement des maladies respiratoires. L’ingénierie tissulaire et la thérapie par cellules souches soulèvent de grands espoirs dans de nombreuses pathologies. Ces nouvelles voies thérapeutiques devraient permettre à terme de remplacer ou de réparer des organes déficients, grâce à des tissus ou des cellules cultivées en laboratoire.

Les cellules souches sont en effet capables, en se divisant et en se différenciant, de donner naissance à divers types de cellules de l’organisme plus ou moins spécialisées. De la maladie de Parkinson au diabète, ces thérapies ont d’ailleurs déjà obtenu des résultats très encourageants dans de multiples domaines quoique essentiellement sur des modèles animaux. Les maladies respiratoires, en revanche, n’ont guère bénéficié jusqu’ici de ce champ de recherche prometteur. L’expérience présentée à Stockholm pourrait donc à cet égard ouvrir de nouvelles perspectives excitantes.

Un espoir pour des millions d’individus

« Le poumon est une cible très difficile pour les chercheurs en ingénierie tissulaire » a expliqué Síle Lane de l’Imperial College à Londres, qui présentait au congrès de l’ERS cette étude inédite. « Notamment parce que cet organe, hautement complexe, réunit une grande diversité de cellules dont certaines ont un renouvellement très lent« .

La possibilité de régénérer des poumons lésés par une maladie ou un traumatisme aurait pourtant un impact sur des dizaines de millions de personnes. A elles seules, les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) touchent en effet actuellement 80 millions d’individus, dont plusieurs millions en meurent chaque année. D’ici 2020, selon l’Organisation mondiale de la santé, ces affections dues en bonne partie au tabac pourraient même devenir la troisième cause de décès au niveau mondial.

Or il n’y a pas que les BPCO qui pourraient bénéficier de l’aide des cellules souches: de nombreuses autres maladies pulmonaires chroniques sont aujourd’hui encore incurables, et n’ont pour seul salut que la difficile et coûteuse transplantation, alors même que le nombre de donneurs tend à diminuer.

Cible atteinte

Pour ce travail, les chercheurs de l’Imperial College ont choisi de travailler avec des cellules souches de souris de type CSE (cellules souches embryonnaires), capables de se différencier en n’importe quel type cellulaire.

Ils avaient déjà réussi auparavant à cultiver de telles cellules, afin qu’elles se spécialisent en cellules pulmonaires et qu’elles expriment certains marqueurs soit épithéliaux, soit endothéliaux, voire des marqueurs de cellules souches adultes.

Restait encore à démontrer que ces cellules ayant acquis des caractéristiques de cellules pulmonaires étaient bien capables de se nicher dans les poumons: ce fut le but de la deuxième phase de leur étude, dont les résultats ont été présentés au congrès de l’ERS.

Síle Lane et son équipe ont alors marqué ces cellules souches à l’aide de nano-particules d’oxyde de fer munies d’un marqueur fluorescent vert identifiable au microscope. Puis les chercheurs les ont injectées dans les veines caudales de deux groupes de souris. Un groupe était constitué d’animaux normaux, alors que les souris de l’autre groupe avaient reçu un toxique qui avait endommagé leur épithélium pulmonaire.

Deux jours plus tard, après avoir sacrifié les souris, les auteurs ont recherché la présence de cellules souches grâce au microscope à fluorescence. Et le pari se révéla gagné: les cellules marquées ont été mises en évidence dans les poumons des animaux, et précisément là où les chercheurs les attendaient!

Ces cellules souches ont en effet colonisé surtout les zones de l’épithélium pulmonaire où se font les échanges gazeux. Mieux: aucune cellule fluorescente n’a été retrouvée dans les autres organes des souris, ce qui prouve le haut degré de spécialisation de ces cellules, qui ne se greffent que sur leur cible, le poumon.

Prochaine étape : l’homme

« C’est la première fois que des chercheurs injectent chez des animaux de laboratoire des cellules pulmonaires issues de cellules souches, et qu’ils les retrouvent nichées dans les poumons« , a souligné avec une certaine fierté Síle Lane. « Notre étude montre donc que les cellules CSE ont vraiment la capacité de recoloniser des poumons lésés« .

Si la voie des cellules souches est désormais ouverte en pneumologie, les chercheurs britanniques reconnaissent que l’application de leurs travaux en médecine humaine est encore lointaine. Ils doivent maintenant déterminer quelles sont exactement la nature, la fonctionnalité et la longévité des cellules greffées.

Ils doivent aussi vérifier la question de l’éventuelle toxicité de la technique, principalement « la possibilité d’implantation accidentelle de cellules indifférenciées« , a tenu à préciser Anne Bishop, membre de la même équipe et qui, au congrès, a animé un symposium sur le même sujet.

Selon cette spécialiste, il est certain qu’entre-temps les cellules souches auront au moins des applications thérapeutiques indirectes, par exemple dans la conception de modèles animaux aidant à la recherche de médicaments ou dans les screening toxicologiques.

Anne Bishop envisage même d’utiliser des cellules épithéliales provenant de cellules souches dans des dispositifs d’échanges gazeux extra-corporels: une sorte d’assistance pulmonaire semi-artificielle, en attendant les hypothétiques poumons artificiels complètement implantables !

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