Le biogaz, une énergie renouvelable largement sous-exploitée

L’Ademe et GrDF publient aujourd’hui les résultats d’une étude sur le marché de la méthanisation et des valorisations du biogaz. Pour atteindre voire dépasser les 5,5 TWh qui devraient être produits en France d’ici 2020, la méthanisation devra gagner en rentabilité et bénéficier d’un allègement des démarches administratives.

Issu de la fermentation de matières organiques animales ou végétales en l’absence d’oxygène, le biogaz est naturellement produit dans les marais mais aussi plus artificiellement dans les décharges d’ordures ménagères, les stations d’épuration, les exploitations agricoles et certaines industries. Contenant de 50 à 70% de méthane, le biogaz représente la forme renouvelable du gaz naturel, représentant une énergie « verte » encore sous-exploitée notamment dans l’hexagone.

Une énergie renouvelable doublement bénéfique

Constitué principalement de méthane mais aussi de gaz carbonique, le biogaz est un puissant gaz à effet de serre. Pour l’Ademe qui défend la filière du biogaz en France, « valoriser les déchets organiques, c’est avoir un effet bénéfique sur notre environnement en évitant bien des pollutions et des nuisances » (eaux, sols, odeurs, etc.). Mais produire et valoriser du biogaz, c’est en plus « avoir un effet bénéfique sur l’effet de serre en évitant la libération de méthane et en économisant des énergies fossiles ».

Réalisée par le cabinet Ernst & Young, l’étude commandée par l’agence français de la maîtrise de l’énergie et le groupe de Gérard Mestrallet prend en compte les évolutions de contexte intervenues depuis 2004, tels que la revalorisation d’un tarif d’achat de l’électricité issue du biogaz (2006) et de l’avis favorable de l’AFSSET (aujourd’hui Anses ) sur l’injection de biogaz épuré dans les réseaux de gaz naturel (2008). Basée sur près de 40 entretiens avec des professionnels de la filière, l’étude dresse un état des lieux de la production et de la valorisation du biogaz ainsi que les perspectives d’évolution au regard de l’objectif de 23 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables fixé par le Paquet Climat Européen et le Grenelle Environnement d’ici 2020.

En 2008, la France recense 481 sites de production de biogaz, dont 301 installations de stockage des déchets non dangereux (ISDND) et 180 installations de méthanisation. Ces dernières produisent près de 300 millions de m3 de biogaz en 2008, soit près du quart de l’énergie primaire issue de biogaz (les trois quarts étant fournis par les ISDND). Une grande partie du biogaz issu de la méthanisation est valorisée en électricité ou chaleur.

Des évolutions variables selon les secteurs

Les installations de méthanisation appartiennent à 90 % aux secteurs de l’industrie et de l’épuration urbaine où elles ont connu une forte croissance depuis les années 1950. Le secteur des déchets ménagers, avec peu d’acteurs, et le secteur agricole et ses installations de méthanisation de petite taille, viennent renforcer le développement de la méthanisation en France depuis le début des années 2000. L’étude constate également l’émergence de la mutualisation des investissements dans des projets centralisés regroupant des déchets de diverses origines (agricoles, agroindustriels, ménagers).

Sans modification majeure du contexte politique et économique, l’étude anticipe un équilibrage entre les installations de méthanisation et les installations de stockage pour la production de biogaz. Ainsi à l’horizon 2020, 6 TWh seraient captés par les installations de stockage et 5,5 TWh seraient produits par les installations de méthanisation, soit pour cette dernière une multiplication par trois en 10 ans.

Pour atteindre cet objectif, l’étude avance 3 facteurs clés qui devraient conditionner le développement de la méthanisation : la rentabilité des installations, qui pourra être augmentée notamment grâce à la revalorisation du tarif d’achat de l’électricité et à la création d’un tarif d’achat de biométhane, un retour d’expérience positif des secteurs qui investissent actuellement dans la méthanisation (celui des ordures ménagères en particulier), et une simplification des démarches administratives.

Si le développement global de la méthanisation dépend largement des politiques publiques, chaque secteur est spécifique et présente des perspectives différentes (l’étude livre une analyse tendancielle du marché et n’apporte pas d’appréciation sur la pertinence des techniques). L’étude anticipe des évolutions différentes sur le marché du biogaz, issu des déchets ménagers, de l’agriculture ou de l’industrie.

Ordures ménagères, agriculture, industrie

Dans le secteur des ordures ménagères, 15 installations supplémentaires devraient voir le jour d’ici 2015. Le marché devrait ensuite croître de 1 à 3 installations par an jusqu’en 2020. Il s’agira principalement d’ordures ménagères résiduelles, et non de biodéchets collectés à la source, pratique moins développée.

Encore « au stade embryonnaire », le secteur agricole devrait connaître une croissance de 5 à 20 unités par an en moyenne d’ici 2020. Toutefois, le dynamisme des acteurs de cette filière permettrait un développement beaucoup plus soutenu si les mesures financières incitatives mises en place étaient complétées ou renforcées, souligne l’étude.

De son côté, le secteur industriel étant soumis à de nombreux facteurs macroéconomiques, il est plus difficile d’évaluer son potentiel de développement. L’étude anticipe néanmoins une croissance de 1 à 5 installations par an d’ici 2020. Enfin, le secteur des stations d’épuration devrait connaître une croissance de 2 à 5 installations par an d’ici 2020, principalement sur des unités de petite taille.

Cogénération

Quant à la valorisation énergétique du biogaz, l’étude conclut que la tendance devrait rester à la cogénération, technologie maîtrisée et connue des opérateurs de l’énergie, avec le développement probable de l’injection dans les réseaux de gaz naturel et l’émergence de la valorisation carburant, actuellement observé à l’échelle européenne. Si l’Allemagne et le Royaume-Uni ont fortement investi dans cette énergie renouvelable, la France est encore à la traîne dans le développement de cette filière.

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