La banane martiniquaise n’aurait pas provoqué d’épidémie de cancers

BananesLa culture intensive de la banane en Martinique a-t-elle provoquée une multiplication des cancers chez les martiniquais ? Selon les résultats d’une étude que vient de publier l’INVS, aucune épidémie de cancers ne serait à déplorer sur l’île des Antilles même si certaines cancers comme celui de la prostate posent question.

Pendant plus de 20 ans, des pesticides organochlorés (POC), principalement la chlordécone, ont été utilisés en Martinique pour lutter contre le charançon du bananier. Cette utilisation massive de ces pesticides sur la santé des martiniquais les plus exposés fait l’objet depuis plusieurs années de nombreuses alertes sanitaires de certains associations, mais sans véritables fondements scientifiques. Les incertitudes scientifiques relatives aux conséquences sanitaires chez l’homme d’une exposition aux POC, entraîne en Martinique un questionnement médico-social de plus en plus pressant.

C’est dans ce contexte qu’une étude d’incidence des cancers a été menée par le registre des cancers et la Cellule interrégionale d’épidémiologie (Cire) Antilles-Guyane. Les objectifs de cette étude visaient à étudier la distribution spatiale des cas de cancers pouvant être liés à une exposition à des pesticides, ainsi que l’existence éventuelle d’une association entre la distribution spatiale de ces cancers et une exposition potentielle de la population.

L’INVS rappelle qu’en Martinique, le cancer constitue la deuxième cause de mortalité après les maladies cardio-vasculaires. Son incidence a augmenté de manière significative au cours de ces 10 dernières années. Les derniers résultats publiés révélant une augmentation très nette de l’incidence du cancer de la prostate, du sein, du côlon et du rectum. Si des facteurs comme l’augmentation de l’espérance de vie et l’évolution des pratiques diagnostiques (dosage des Prostatic Specific Antigen, mammographie et hémocult), ainsi que le mode de vie, jouent sans doute un rôle important dans cette évolution, d’autres facteurs peuvent cependant être légitimement recherchés.

Grosse consommation de pesticides

La Martinique se caractérise par un contexte environnemental particulier. Situées en zone tropicale, ses activités économiques sont largement dépendantes de la culture bananière : celle-ci est ainsi la première production agricole et le principal produit d?exportation. Du fait des conditions climatiques, la culture de la banane est soumise à une forte pression parasitaire qui conduit à recourir à des quantités importantes d’agents phytosanitaires spécifiques. Elle constitue de fait l’une des activités agricoles les plus consommatrices de pesticides au monde.

En 1980, l’INVS précise qu’un rapport de l’Institut national de recherche agronomique révélait, en Guadeloupe, une pollution des milieux (sols, végétaux et faune sauvage) par des POC tels que la chlordécone, le ?-HCH et la dieldrine. D’autres rapports, concernant plus particulièrement la Guadeloupe, ont confirmé le potentiel de pollution des sols ou des cours d’eau, mais c’est en 1998 que le rapport Balland a conduit à une prise en compte véritable de la problématique des pesticides aux Antilles françaises.

De nombreuses études épidémiologiques se sont intéressées au rôle des pesticides dans la genèse des cancers, mais peu d’études ont concerné les  effets de la chlordécone sur la santé humaine. La chlordécone traverse très facilement la barrière placentaire et la mobilisation des graisses qui se produit à cette occasion peut générer une exposition de l’embryon ou du foetus à des moments critiques du développement.

Pas d’épidémie de cancers mais…

Les résultats de cette étude suggèrent l’existence d’une association possible entre l’exposition professionnelle aux pesticides et le risque de survenue de myélome multiple (cancer hémopathique). L’INVS indique cependant que ce résultat nécessite d’être conforté par des explorations complémentaires, comme la collecte d’informations sur les victimes martiniquaises quant à leur histoire professionnelle et leurs conditions de vie. L’étude suggère que la surveillance épidémiologique de ce cancer, via le registre de la Martinique, soit renforcée par le recueil en routine, de manière prospective, d’informations complémentaires relatives à l’exposition à ces facteurs de risques connus ou suspectés de ce cancer.

Selon les conclusions de cette étude, s’il n’est pas possible de conclure à l’absence de lien entre l’exposition aux POC et d’autres localisations cancéreuses, comme celle de la prostate par exemple, les résultats permettent de conclure à l’absence d’épidémie de cancers en rapport avec les pesticides organochlorés (POC) dont la chlordécone, comme cela a déjà pu être déclaré dans les médias.

Pour l’INVS, si cette étude a pu « passer à côté » d’une association entre une exposition potentielle aux POC et d’autres cancers, les risques relatifs en cause sont sans doute suffisamment faibles pour qu’un phénomène de grande ampleur n’ait pas été détecté à partir de l’analyse des données du registre du cancer. L’étude Karu-prostate actuellement en cours en Guadeloupe devrait apporter des éléments de réponse quant à ce niveau d’incertitude, pour ce qui concerne le cancer de la prostate, affirme les conclusions de l’étude de l’institut.

Pour en savoir + : Consulter l’étude de l’INVS

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