EN BREF |
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La Commission européenne a récemment dévoilé une feuille de route ambitieuse visant à éliminer les combustibles fossiles russes de son mix énergétique d’ici à 2027. Cette annonce intervient après des mois de critiques croissantes concernant l’importation massive de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance de Russie. Dan Jorgensen, commissaire européen à l’énergie, a présenté ce plan à Strasbourg, transformant ainsi les promesses politiques du bloc en mesures contraignantes. Cette initiative s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu où l’indépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de la Russie est devenue une priorité stratégique.
Des importations de GNL russe en hausse
Malgré une baisse générale des importations de combustibles fossiles en provenance de Russie depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, les importations de GNL russe ont augmenté de 18 % en 2024. Cette hausse significative va à contre-courant des efforts européens pour réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. En 2024, l’Union européenne a dépensé 23 milliards d’euros en combustibles fossiles russes, contribuant directement au budget de guerre du Kremlin. Pawel Czyzak, chercheur à Ember, souligne que ce plan de la Commission européenne vise à relancer l’élan politique vers une indépendance énergétique totale. Toutefois, il mentionne que le gaz russe représentait encore entre 17,5 et 19 % des importations totales de l’UE en 2024.
La sécurité énergétique est une préoccupation majeure depuis l’invasion russe, mais les perturbations sur les marchés mondiaux ont entraîné des défis économiques, notamment des prix de l’énergie en forte hausse et une crise du coût de la vie pour les ménages européens. Le chemin vers l’indépendance énergétique est semé d’embûches, et l’approche de la Commission a été critiquée pour son incohérence.
Un cheminement de sortie incohérent
Jusqu’à présent, le GNL n’a pas été inclus dans les paquets de sanctions de l’UE contre la Russie. En mars 2025, la Commission a interdit les transbordements de GNL russe via les ports européens vers les pays non membres de l’UE. Cependant, les importations de GNL russe pour la consommation domestique européenne n’ont pas été affectées, et certains pays en ont profité. Selon l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA), la France, la Belgique et l’Espagne sont les principales portes d’entrée du GNL russe en Europe.
La France, grâce à son infrastructure avancée, a augmenté ses importations de GNL russe de 81 % en 2024, payant ainsi 2,68 milliards d’euros à la Russie. Ana Maria Jaller-Makarewicz, analyste à l’IEEFA, exprime son inquiétude quant à la réexportation potentielle de ce gaz vers d’autres pays européens, une fois regazéifié dans le réseau français. Une fois intégré au réseau, il devient impossible de tracer son origine, ce qui pourrait permettre au gaz russe de se retrouver rebrandé comme européen.
REPowerEU, une stratégie à revoir
Le programme REPowerEU lancé en 2022 visait à réduire la dépendance aux combustibles fossiles russes, à promouvoir les énergies renouvelables et à diversifier les fournisseurs. Cependant, selon Pawel Czyzak, l’UE a progressé dans sa transition énergétique mais a pris une mauvaise direction en matière d’importations de gaz. Le GNL en provenance des États-Unis domine désormais l’approvisionnement de l’UE, mais Czyzak met en doute sa fiabilité. Les États-Unis exercent une pression sur l’Europe pour acheter leur gaz, allant jusqu’à menacer de taxes en cas de non-conformité.
Malgré les efforts pour sécuriser des sources alternatives de gaz, les prix de l’énergie restent élevés en Europe. En 2024, les prix du gaz ont augmenté de 59 %, et bien que la fin de la saison de chauffage ait entraîné une légère baisse, les prix restent bien supérieurs aux niveaux d’avant-guerre. Cela accentue le désavantage industriel de l’Europe par rapport aux États-Unis et à la Chine.
Des solutions durables au-delà du GNL
Plutôt que de remplacer le gaz russe par un autre importateur, les experts s’accordent à dire que l’UE doit réduire sa consommation globale de gaz. Si réduire les besoins énergétiques industriels semble difficile, Jaller-Makarewicz voit un potentiel réel dans la réduction de la consommation des ménages européens. Construire des maisons mieux isolées pour diminuer la demande de gaz pour le chauffage et promouvoir les panneaux solaires résidentiels seraient des mesures efficaces.
Toutefois, comme l’a montré la réaction à la loi allemande sur les pompes à chaleur, les réformes vertes nécessitent un soutien public pour être efficaces. La feuille de route de la Commission européenne doit désormais être approuvée par les États membres. Bien qu’un vote à la majorité qualifiée suffise, les risques politiques sont évidents. Des pays comme la Hongrie, la Slovaquie et l’Autriche, encore dépendants du gaz russe, ont déjà exprimé leur opposition à de telles mesures.
La feuille de route énergétique de l’UE soulève des questions cruciales pour l’avenir énergétique de l’Europe. La coopération entre les États membres sera-t-elle suffisante pour surmonter les divergences politiques et sécuriser l’approvisionnement énergétique du bloc tout en respectant les objectifs écologiques ?
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En quoi consiste exactement le programme REPowerEU ?
Je me demande si ce plan va vraiment fonctionner ou s’il finira dans les oubliettes comme tant d’autres.
Les ménages européens vont-ils vraiment ressentir une différence avec ces changements ?
Bravo à l’UE pour cette initiative, mais je doute de sa mise en œuvre concrète.
C’est un peu tard pour se réveiller, non ?
Pourquoi l’UE a-t-elle attendu si longtemps pour réduire sa dépendance énergétique à la Russie ? 🤔