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Flexibilité du système électrique : un enjeu de taille pour l’avenir énergétique de la France

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Grâce à ses filières nucléaire et hydraulique, la France dispose d’un système électrique qui garantit son autonomie vis-à-vis des importations. Mais à l’heure de la transition énergétique, le gouvernement peine à trouver la bonne formule pour préserver la flexibilité de ses sources d’approvisionnement.

En l’absence de gisements d’hydrocarbures sur le territoire métropolitain, la France pourrait, comme bon nombre de pays voisins, dépendre des coûteuses importations d’énergies fossiles pour équilibrer son système électrique. Pourtant, l’Hexagone produit plus d’électricité qu’il n’en consomme (548,6 TWh contre 474 TWh en 2018), au point d’être le premier exportateur d’Europe avec un solde positif de 60,2 TWh, selon RTE (Réseau de transport d’électricité). Pour y parvenir, le mix électrique français s’appuie principalement sur l’énergie nucléaire, qui compte pour 71,7 % de la production nationale, loin devant l’hydraulique (12,4 %), l’éolien (5,1 %), le solaire (1,9 %) et les bioénergies (1,8 %). Très dépendante de l’atome, la France est engagée depuis plusieurs années dans le développement des énergies renouvelables. En 2018, elles ont couvert 22,7 % de la consommation totale d’électricité, soit une hausse de plus de 4 points par rapport à 2017. Le fruit d’une année aux conditions météorologiques « particulièrement favorables », selon RTE. Car malgré les importants moyens déployés en faveur des énergies vertes, l’apport de ces ressources demeure fluctuant. En témoigne la production d’origine hydraulique, qui a bondi de 27,5 % l’an dernier.

Des besoins en flexibilité pas pourvus après 2023 ?

Mais cette variabilité les rend imprévisibles, et donc problématiques dans une société où les besoins sont constants mais eux aussi très variables. En hiver, on observe ainsi des pointes de consommation parfois à la limite du plafond d’électricité disponible. Or, les énergies renouvelables affichent des niveaux de production très aléatoires d’une journée à l’autre, qui peuvent aller jusqu’à un facteur 400 pour l’éolien au cours d’une même année. L’École d’économie de Toulouse rapporte que « 20 % est un seuil à partir duquel la pénétration des énergies intermittentes commence à poser des problèmes de stabilité sur le réseau », faute de pouvoir stocker l’électricité en quantité. Jusque-là, la France s’est appuyée sur l’énergie nucléaire, source d’électricité décarbonée, disponible en quelques minutes et en grande quantité, pour composer avec l’intermittence des énergies vertes. Mais la nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2018-2028 prévoit de fermer jusqu’à 14 réacteurs nucléaires dans les 15 prochaines années afin de réduire la dépendance à l’atome à 50 % d’ici 2035. Faut-il craindre pour la flexibilité, et donc la souveraineté du système électrique français ?

En s’appuyant sur le diagnostic réalisé par RTE en 2015, le ministère de la Transition écologique et solidaire affirme que « le système électrique est capable de faire face aux besoins de flexibilité à l’horizon 2023 ». Mais l’Hôtel de Roquelaure s’interroge néanmoins sur la capacité des infrastructures énergétiques à « contribuer aux besoins croissants de flexibilité au-delà de 2023 ». Une référence aux « transferts d’usages vers l’électricité » comme l’essor de nos appareils rechargeables, des véhicules électriques ou des climatiseurs, qui implique une consommation accrue dans un futur proche. Pour y faire face, le ministère mise sur plusieurs solutions complémentaire : le pilotage de la demande grâce aux effacements de consommation, le stockage à différentes échelles temporelles selon la source d’énergie, l’efficience du réseau de transport et de distribution, l’autoconsommation et la programmation des unités de production pour ajuster production à la consommation. Là encore, la logique plaide en faveur de l’énergie nucléaire, qui permet de mobiliser jusqu’à 80 % de la puissance d’un réacteur en moins de 30 minutes…

La France, bonne élève de la transition énergétique

« Cette flexibilité contribue à gérer l’intermittence de la production renouvelable et limite les coûts de système qui leur sont associés », estime la SFEN (Société française d’énergie nucléaire). Mais en prévision de la baisse du nucléaire dans le mix électrique, EDF étudie différents scénarios de production d’électricité d’origine nucléaire et renouvelable afin de définir les besoins en manœuvrabilité du parc nucléaire français. « Une clé du succès réside dans la capacité à poser des hypothèses d’avenir d’une part pertinentes, mais surtout cohérentes entre elles et avec l’existant », explique Christelle Le Maître, responsable du programme La Brique « Scénario de flexibilité » au sein d’EDF R&D. « Ne laissez plus dire que le nucléaire n’est pas flexible, ni que le nucléaire français bloque le développement des énergies renouvelables électriques en France, plaide Tristan Kamin, ingénieur d’études en sûreté nucléaire, dans une tribune sur le sujet. Elles sont freinées par leurs limitations intrinsèques, et n’ont nul besoin d’aide pour cela. » À ce titre, la filière hydraulique pourrait faire figure d’exception : des recherches sont en cours sur la mobilisation de l’énergie hydroélectrique pour pouvoir intégrer plus facilement les énergies renouvelables au système électrique français.

Grâce à une électricité décarbonée à plus de 95 % et produite quasi-intégralement sur place, la France fait partie des pays les mieux positionnés dans le monde en matière de transition énergétique. Selon l’index calculé en 2019 par le Forum économique mondial, elle se classe huitième sur 115 pays. Dans le détail, l’Hexagone décroche la quatrième place mondiale pour la performance de son système énergétique et la 17e pour son degré de préparation à la transition énergétique. Les difficultés constatées dans la mise en œuvre des projets d’énergies renouvelables ont conduit à d’importants retards, estime Nicolas Berghmans, chercheur à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). Et ce alors même que la production d’électricité d’origine éolienne doit tripler et celle du solaire quintupler d’ici 10 ans, rappelle-t-il. Et le scientifique de mettre en avant l’autre axe majeur de la transition énergétique : la réduction de la consommation, qui devra atteindre 50 % d’ici 2050 si la France veut atteindre ses objectifs. Et si on accentuait nos efforts aussi sur l’efficacité énergétique ?

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