Le recyclage des mâchefers en question

Alors qu’une nouvelle réglementation sur les mâchefers d’incinération d’ordures ménagères doit être bientôt adoptée, France Nature Environnement et le Centre national d’information indépendante sur les déchets s’alarment du manque de responsabilité de l’Etat sur cette question. Rappelant la toxicité de ces résidus issus de l’incinération, FNE et la Cniid demandent un encadrement plus strict de leur utilisation.

L’incinération des ordures ménagères engendre des résidus d’épuration des fumées, « hautement toxiques » selon FNE, ainsi que des cendres lourdes. Ces cendres représenteraient environ 25% du tonnage traité et concentreraient une bonne part des polluants présents dans les déchets incinérés. Potentiellement dangereux notamment lorsqu’ils rentrent en contact avec l’eau, ces mâchefers sont notamment utilisés dans les travaux publics comme remblai de tranchée et pour la réalisation des sous-couches routières.

Une circulaire du 9 mai1994 réglemente la filière des mâchefers, leurs différentes catégories et leurs possibles recyclages, « sur la base de tests de dangerosité très insuffisants » note FNE. Elle permet aux acteurs de cette filière de « valoriser » la plupart des résidus d’épuration des fumées et des cendres lourdes issus de l’incinération des ordures ménagères.

2 millions de tonnes de mâchefers dans la nature

Plus de deux millions de tonnes de résidus pollués se retrouveraient ainsi recyclés en sous-couches routières, « dispersés dans la nature, sans suivi, ni souci des impacts qu’ils peuvent avoir sur le milieu naturel » s’inquiètent FNE et la Cniid. « Etant trop polluants, ils ne seraient pas acceptés en décharge pour déchets inertes. Comment est-il possible alors de les laisser se répandre dans l’environnement ? » questionnent les deux associations.

Pour France Nature Environnement, l’Etat se montre complaisant à l’égard d’ « une filière peu vertueuse, mais puissante ». La dispersion de déchets toxiques dans l’environnement est « un scandale qui n’a que trop duré » estiment FNE et la Cniid. Une récente affaire de remblaiement délictueux de carrière en Haute-Savoie, avec des mâchefers dits « valorisables », avait révèlé des teneurs en dioxines dans les eaux souterraines 226 fois supérieures au seuil de potabilité rappelle FNE.

Trois textes seraient actuellement en cours de finalisation. Il s’agit tout d’abord d’une réglementation relative aux critères d’identification des mâchefers « non valorisables » que la loi rectificative de finances de décembre 2010 exonère de TGAP (taxe générale sur les activités polluantes), ensuite d’une réglementation au titre des installations classées et enfin d’un guide technique à destination des professionnels des travaux publics.

Une évaluation fiable de la toxicité

Si FNE se réjouit que l’utilisation des mâchefers en technique routière s’apprête à être prochainement plus encadrée, le collectif écologiste considère que malheureusement, les textes annoncés ne sont « pas à la hauteur des enjeux ». FNE et le Cniid demandent notamment une évaluation « fiable » de la toxicité des mâchefers

« Nous craignons que la nouvelle réglementation ait pour principal souci de garantir la position hégémonique de l’incinération au détriment des exigences de protection du milieu naturel et de la santé publique » affirme Pénélope Vincent-Sweet, pilote du réseau déchets de FNE.

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