Fukushima : « le plutonium cumule tous les risques »

Roland Desbordes, physicien et président de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité, laboratoire indépendant créé après la catastrophe de Tchernobyl. La Criirad est particulièrement active depuis la catastrophe de Fukushima, en réalisant ses propres mesures et interpelant les autorités de sûreté nucléaire françaises.

Les autorités japonaises viennent de révéler avoir découvert du plutonium dans le sol de la centrale de Fukushima. Qu’est-ce que cela implique ?

Le fait que l’on trouve du plutonium dans le pourtour de la centrale n’est pas un scoop, c’est le contraire qui l’aurait été, dans la mesure où du plutonium se trouve dans les c?urs des réacteurs et que ces c?urs de réacteurs sont en fusion. Par ailleurs, ce plutonium étant plus ou moins volatile,  aux vues des explosions des montées en températures et de l’ouverture des fissures des cuves, cela paraissait complètement irréaliste que l’on n’en trouve pas.

Cela dit, ce plutonium complique encore un peu plus le travail des salariés de Tecpo sur place. A becquerel égal, le plutonium est 100 000 plus toxique que l’iode ou le césium.

A vos yeux, s’agit-il déjà d’une catastrophe environnementale ?

On y est déjà de plein pied, d’autant plus que le plutonium 239 est un métal lourd radiotoxique à vie longue, de l’ordre de 4 000 ans. Il a un cheminement dans la chaîne alimentaire catastrophique. Le plutonium cumule tous les risques.

Cette pollution au plutonium sera-t-elle limitée au réacteur n°3 ici en cause ?

Non, si le réacteur n°3 en contenait dès l’origine dans une proportion comprise vraisemblablement entre 6 à 8%, les réactions de fusion ont également fabriqué du plutonium sur les autres réacteurs touchés.

Quelle est la radioactivité relevée autour de la centrale de Fukushima ?

On n’a aucune information à ce sujet. On sait juste que les 20 km autour de la centrale sont une zone évacuée. Mais à mon avis, la contamination doit être importante. On sait que dans la province d’Ibaraki, une région située à plus d’une centaine de kilomètres de la centrale, on constate déjà une contamination radioactive avérée des produits alimentaires, qui dépasse les limites de commercialisation.

Et quelle est la situation à Tokyo ?

Située à environ 250 km de la centrale de Fukushima, Tokyo a enregistré le passage de deux petits panaches radioactifs, un premier vers le 15 mars, et l’autre autour du 22 mars. Si ces panaches n’étaient pas très intenses, ils ont cependant suffi à polluer immédiatement l’eau du robinet, ce qui est très inquiétant, à des valeurs jusqu’à 20 becquerels par litre. Ces relevés ont d’ailleurs contraints les autorités japonaises à recommander de ne pas utiliser cette eau polluée pour les biberons.

Pourquoi ces panaches radioactifs japonais ont-ils contaminé aussi rapidement l’eau du robinet ?

A partir du moment où l’on relève des particules radioactives dans l’air, elles se retrouvent obligatoirement au sol. Ce qui est surprenant ici, c’est la rapidité avec laquelle cette contamination de l’air s’est répandue dans l’eau du robinet.

En France, pourquoi votre laboratoire a-t-il remis en cause la transparence des autorités de sûreté nucléaire comme l’IRSN ?

Ce que la Criirad critique, c’est la présentation des résultats de l’IRSN, notamment ceux relevés samedi matin, sur la balise dans le Puy-de-Dôme. On s’est aperçu qu’ils avaient effectué leurs relevés à partir de filtres papier, qui ne retiennent environ que 1/5e de l’iode radioactif présent dans l’air, manquant l’iode sous forme gazeuse.

Cela veut-il dire que les mesures d’iode présentées par l’IRSN doivent être multipliées par 5 ?

Absolument, c’est d’ailleurs ce qu’a fait l’IRSN lui-même le soir même.

Malgré cette correction, ces relevés de la radioactivité détectée demeurent très faibles ?

On reste dans des taux très faibles, nous ne remettons pas ça en doute. Ce qui nous a semblé choquant, c’est la présentation de ces résultats, surtout pour un laboratoire d’Etat très compétent, ce n’est pas bien.

Pourquoi la Criirad est-elle également récemment montée au créneau pour obtenir les mesures de radioactivité relevées par le réseau international CTBTO ?

Parce qu’on ne les a pas. On invoque tous un tas de bonnes raisons pour ne pas les donner. Ces données sont transmises aux Etats, mais les Etats invoquent le secret défense comme en France, ce qui est totalement faux.

Quelle est la vraie raison de ce manque de transparence selon vous ?

On refuse de divulguer des informations obtenues grâce à des fonds publics, que nous contribuons à financer, en tant que citoyens. C’est scandaleux.

De quoi des Etats comme la France ont-ils peur ?

Je n’en sais rien, il faut le leur demander. En France, c’est le CEA qui est destinataire de ces mesures.

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