Un quart de l’eau potable contiendrait des résidus médicamenteux

On ne trouve que ce que l’on cherche, c’est bien connu. Longtemps ignorés, les résidus médicamenteux dans l’eau potable représentent depuis quelques temps une question sensible qui inquiète légitimement l’opinion publique. Une enquête nationale confirme la présence inquiétante de molécules médicamenteuses comme des antiépileptiques et anxiolytiques dans 25% des échantillons d’eaux analysés.

S’il n’existe pas encore de limite de qualité pour les résidus de médicaments dans les eaux, les réglementations, européenne et française, ne prévoyant pas de les rechercher, le ministère chargé de la santé a souhaité dresser un bilan de la présence de ces substances dans les eaux destinées à la consommation humaine. En collaboration avec le laboratoire Anses d’hydrologie de Nancy, l’Afssaps a mené une campagne nationale de mesures de 45 substances pharmaceutiques d’origine humaine, vétérinaire ou de leurs métabolites, sur la base d’une liste établie par l’Anses et l’Afssaps.

L’agence françaises souligne que la stratégie de sélection des sites de prélèvements a permis de couvrir près d’un quart de la population en France métropolitaine et dans les DOM. Tous les départements ont pu être investigués. Les prélèvements ont été effectués sur des ressources utilisées pour la production d’eau destinée à la consommation humaine (eau de surface et eau souterraine) et sur des eaux traitées, en sortie de station de potabilisation.

Un quart de la population

S’agissant des eaux brutes, environ 285 échantillons ont été analysés, 2/3 des échantillons étant des eaux d’origine souterraine et 1/3 des eaux d’origine superficielle. Les eaux traitées correspondant à ces eaux brutes représentent en termes de débit d’eaux distribuées 24% de la population de l’ensemble du territoire national souligne l’Afssaps.

Cette campagne a pris fin en juin dernier. Ces résultats concernent les eaux brutes (superficielles ou souterraines avant traitement de potabilisation) et les eaux traitées. L’exploitation finale des résultats, prenant notamment en compte des éléments de contexte, a été remise en janvier 2011.

Selon les résultats de la campagne nationale menée par l’Afssaps en collaboration avec l’Anses, environ 75% des échantillons d’eau traitée, qu’elles soient d’origine souterraine ou superficielle, se sont révélés « propres », ne contenant aucune des 45 molécules recherchées, hors caféine qui est par ailleurs un marqueur de l’activité humaine, précise l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Parmi les 45 molécules recherchées, 26 n’ont jamais été retrouvées et 19 ont été détectées au moins 1 fois, parmi lesquelles 5 étaient présentes à des concentrations trop faibles pour pouvoir être quantifiées, précise l’Afssaps.

Antiépileptique et anxiolytique dans le verre d’eau

Hormis la caféine, les molécules les plus fréquemment retrouvées sont la carbamazépine (antiépileptique) et son principal métabolite ainsi que l’oxazépam (anxiolytique) qui est à la fois une molécule mère et un métabolite de benzodiazépines. Plus de 90% des échantillons présentent une concentration maximale cumulée inférieure à 25 ng/L et moins de 5% des échantillons présentent une concentration maximale cumulée supérieure à 100 ng/L.

Globalement, si environ 75% des échantillons d’eau traitée se sont révélés sains, 25% se sont révélés positifs, les analyses constatant généralement la présence simultanée de 1 à 4 molécules, ce qui représente un chiffre élevé, même si ces résultats sont qualifiés de « conformes aux attentes » par l’Afssaps.

Dans les eaux brutes, on retrouve les 3 mêmes molécules principales. Toutefois, un plus grand nombre de substances (30 vs 19) a pu être identifié à des concentrations parfois plus fortes que dans les eaux traitées. La valeur maximale retrouvée n’excède pas 450 ng/L et ne concerne qu’une seule substance. La comparaison eaux brutes/eaux traitées semble ainsi illustrer l’efficacité des filières de traitement souligne l’Afssaps. Les résultats de cette étude ont également montré que la carbamazépine pourrait constituer une molécule « témoin » attestant de la présence et de la persistance de médicaments dans l’eau, selon l’agence française.

Un plan interministériel

Parallèlement à cette campagne, l’Anses et l’Afssaps ont été saisies par la Direction générale de la santé afin de réaliser l’évaluation des risques sanitaires liés à la présence de résidus de médicaments dans les eaux destinées à la consommation humaine. L’Anses et l’Afssaps annoncent travailler à la définition d’une méthodologie générale pour l’évaluation de ces risques.

Dans ce contexte, un plan interministériel d’actions sur les résidus de médicaments dans les eaux, co-piloté par les ministères chargés de l’environnement et de la santé, structurera la recherche dans ce domaine. Aux vues des résultats de cette enquête, il semble bien que cette question mérite toute l’attention des pouvoirs publics.

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