Le Bisphénol A : dangereux pour les nouveaux-nés mais aussi les caissières

Déjà accusé de présenter des risques sanitaires en cas d’absorption, le Bisphénol A (BPA) est en fait encore plus dangereux qu’on ne le croyait. Des chercheurs de l’Inra de Toulouse viennent de révéler que ce perturbateur endocrinien peut en effet polluer l’organisme en pénétrant par la peau.

Si pour l’Agence européenne pour la sécurité des aliments, le Bisphénol A (BPA) ne présente « pas de risques pour la santé », comme elle l’a encore récemment réaffirmé, il semble bien pourtant ce composant soit encore plus inquiétant qu’on ne le pensait jusqu’à présent. Car selon les révélations des scientifiques toulousains, le BPA ne serait pas seulement un composant à éviter dans les biberons des nouveaux-nés, mais un polluant pouvant pénétrer l’organisme également par la peau.

Les chercheurs de l’unité Xénobiotiques de l’INRA de Toulouse viennent de montrer pour la première fois par des tests ex vivo que le Bisphénol A (BPA), perturbateur endocrinien présents notamment dans certains emballages, peut pénétrer l’organisme humain par la peau. Ces travaux complètent une première étude qui avait révélé des taux importants de BPA dans l’organisme des personnes en contact régulier avec des tickets de caisse ou des reçus de cartes de crédit, rappelle l’Institut français.

Dans l’emballage, les récipients, les boîtes de conserve… et les tickets de caisse

Largement utilisé dans l’industrie notamment de l’emballage, le Bisphénol A (BPA) est notamment présent dans les récipients en plastique de type polycarbonate, tels certains biberons. Mais on le retrouve également dans les résines des revêtements intérieurs de boîtes de conserve pour aliments ou canettes de boissons.

Or, comme le rappelle l’Inra, le BPA peut migrer de ces plastiques et résines vers l’aliment contenu, spontanément à très faibles doses et surtout si ce dernier est chaud. On le retrouve ainsi dans les urines, le sang et le liquide amniotique d’une grande majorité de la population européenne. Suivant les mesures de précaution prises depuis plusieurs années par des pays comme le Canada, la France a voté en juin dernier l’interdiction du BPA dans les biberons.

Différents scientifiques notamment américains suspectaient depuis quelques temps l’existence d’autres sources d’exposition au BPA que la simple ingestion, et en particulier la voie cutanée. L’INRA souligne que le BPA est présent sous forme libre dans une grande partie des « papiers thermiques », utilisés pour les petits terminaux d’impression (reçus de cartes de crédit, tickets de caisses enregistreuses, etc.). Dans beaucoup de ces papiers, le BPA est utilisé comme révélateur de la coloration à l’impression des tickets et par conséquent est présent en assez grande quantité.

En août dernier, une équipe américaine avait ainsi rapporté que des niveaux résiduels de BPA étaient plus importants dans l’organisme d’hôtesses de caisse. Confirmant ces soupçons, les chercheurs de l’INRA de Toulouse, en collaboration avec les laboratoires Pierre Fabre, viennent de démontrer « pour la première fois » que la peau constitue probablement une autre porte d’entrée du BPA au sein de l’organisme.

Découverte majeure et inquiétante

Les chercheurs de l’INRA ont développé un modèle d’étude ex vivo constitué d’explants viables de peau de porc, pour analyser la diffusion des produits chimiques parvenant au contact de ce tissu. Sur ces explants d’oreilles de porc, ils ont observé qu’environ les deux tiers du BPA déposé à la surface de la peau traversaient la barrière cutanée, quelle que soit la dose déposée (50 à 800 nmoles). Dans un deuxième temps, une comparaison a été réalisée avec des explants de peau humaine, démontrant des résultats similaires.

Ces nouvelles données associées au fait qu’une contamination alimentaire ne peut expliquer à elle seule les taux de BPA retrouvés chez certaines personnes suggèrent fortement que cette molécule est capable de pénétrer dans l’organisme à travers la peau humaine, confirme l’INRA. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives dans l’évaluation du risque d’exposition aux perturbateurs endocriniens et en particulier au BPA. Leurre hormonal, le BPA est « capable de mimer l’effet des ?strogènes, les hormones sexuelles féminines qui, au-delà de leur rôle dans la fonction de reproduction, sont essentielles au développement d’organes comme le cerveau ou le système cardio-vasculaire » rappellent les chercheurs.

Plutôt rassurants pour l’instant dans leurs avis, l’EFSA et l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) préconisent cependant une dose journalière acceptable (« DJA ») de 0,05 milligramme/kg de poids corporel.

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