Les énergies « sales » du Sud de l’Europe

Les énergies « propres » deviennent de plus en plus troubles dans tout le Sud-Est de l’Europe. L’investissement massif de l’Union européenne dans les projets d’énergie verte est massivement détourné par les réseaux mafieux et criminels présents notamment en Italie, mais aussi en Espagne, Roumanie, Bulgarie… et en Corse, selon le cabinet d’intelligence économique Kroll.

Tout un symbole. La Sicile, terre de la célèbre mafia Corleone, est devenue également une terre très fertile en projets éoliens. L’île italienne compterait plus de 30 parcs éoliens concentrés notamment dans les zones historiquement contrôlées par la mafia sicilienne. Et les projets auraient littéralement explosé en 2009, au point d’alerter les autorités nationales et européennes.

Si longtemps, la péninsule est restée insensible aux vertus des énergies renouvelables, l’Italie a depuis quelques années rattrapé son retard. Fin 2009, l’Italie comptait 294 parcs éoliens, dont 98% implantés dans le sud du pays, la classant désormais 3e en Europe, derrière l’Allemagne et l’Espagne. Selon l’audit du cabinet Kroll, certains projets éoliens italiens financés par l’UE n’auraient carrément jamais vu le jour.

Pas seulement en Sicile

« Cela fait des années que la mafia s’est tournée vers les énergies vertes, et pas seulement en Sicile » explique Francesco Viviano, journaliste italien de la « Repubblica », interrogé par France 24. « Avec un peu d’argent, des entrepreneurs liés à la mafia achètent des terrains sur lesquels ils installent des éoliennes ou des panneaux solaires, ce qui leur donne droit à de généreuses subventions provenant de l’Union européenne » précise Francesco Viviano.

Ainsi, l’an passé, 8 personnes ont été arrêtées dans les domaines de Trapani et de Salerne à l’Ouest de la Sicile, dans le cadre d’une enquête menée par des magistrats italiens anti-Mafia sur une série de projets d’énergie éolienne. Par ailleurs la même année, 15 autres personnes avaient été arrêtées en Italie, dont le président italien de la National Wind Energy Association, soupçonnées d’avoir tenté de détourner 38 millions de dollars issus des fonds de l’UE.

Le ministre italien de l’Intérieur Roberto Maroni s’était réjouit mi-septembre de l’arrestation du « seigneur du vent », un mafieux sicilien soupçonné de s’être bâti une fortune sur le dos des subventions en faveur des énergies renouvelables. Les autorités italiennes ont placé sous séquestre un ensemble de biens estimés à 1,5 milliard d’euros. L’homme d’affaires italien gérait une quarantaine de sociétés évoluant dans l’énergie éolienne et photovoltaïque, et disposait d’une centaine de terrains et de villas, situées dans la région de Trapani, à l’ouest de la Sicile.

Italie, Espagne mais aussi Corse

Mais cette vaste corruption ne concernerait pas uniquement que l’Italie. Cette situation existerait également sur les îles espagnoles des Canaries et également en Corse, où plusieurs personnes seraient soupçonnées d’escroqueries diverses, liées à des projets autour des énergies renouvelables.

Ainsi, en Espagne, l’un des projets d’énergie solaire porté par des Espagnols prétendait réussir la prouesse à produire de l’énergie même de nuit. Difficile à évaluer, les détournements seraient cependant de grande ampleur de l’autre côté des Pyrénées, qu’il s’agisse de projets éoliens ou photovoltaïques. Pour rappel, Madrid investit chaque année la somme record de 18 milliards d’euros dans le développement de l’énergie solaire.

« Le secteur de l’énergie a toujours fourni de nombreux exemples de corruption ; mais la pression de l’Union Européenne pour réduire les niveaux de pollution au carbone a indiscutablement favorisé une mentalité de ruée vers l’or que constituent les subventions de l’Union en faveur d’énergies alternatives » conclut Jason Wright, auteur de l’étude du cabinet Kroll.

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