Les stations d’épuration doivent faire mieux

Après plus de 4 ans de travaux de recherche sur 21 stations d’épurations représentatives du parc français, le programme de recherche AMPERES livre ses résultats sur l’identification des micropolluants et l’efficacité des traitements sur les stations existantes et étudie les techniques de traitement les plus prometteuses. Si les résultats sont qualifiés de « satisfaisants », les stations actuelles laissent encore passer beaucoup trop de polluants.

Faisant partie intégrante du cycle de protection de la ressource en eau, les stations d’épuration devront pouvoir traiter les micropolluants présents dans les eaux usées même à faible concentration. Pour anticiper les enjeux de protection des milieux aquatiques et de la biodiversité fixés par la Directive cadre européenne, le Cemagref et Suez Environnement ont lancé en 2006 le programme de recherche AMPERES, cofinancé par l’Agence Nationale de la Recherche et d’un budget total de 2,4 millions d’euros, qui a pour objectif de mesurer les concentrations des micropolluants dans les eaux usées traitées en entrée et en sortie de stations d’épuration et d’évaluer les capacités d’élimination des différentes technologies de traitement.

S’agissant du traitement des substances prioritaires définies par la directive cadre européenne, les résultats sont qualifiés de « rassurants » par Suez Environnement. Après l’analyse de 21 stations d’épurations en France, plus de 3 ans de travaux de recherche, plus de 2000 échantillons et 5000 analyses, les premiers résultats de ce programme fournissent aux collectivités un outil d’aide à la décision très poussé.

Alors qu’elles ont été conçues pour traiter l’azote, le phosphore et le carbone, conformément à la réglementation européenne, les stations d’épuration éliminent déjà une part importante des substances prioritaires, arrêtant jusqu’à 85% d’arrêt de ces molécules. Avec des traitements classiques (secondaires), les stations d’épuration existantes pourront ainsi contribuer à l’atteinte des objectifs européens de 2015 de bon état écologique et chimique des masses d’eau en France.

Les micropolluants pas encore ou peu éliminés

Pour éliminer les autres substances analysées, l’étude souligne la nécessité de mettre en place des traitements adaptés ou plus sophistiqués pour préparer l’après 2015. Les procédés à boues activées et de traitement biologique des stations actuelles, assurent une réduction significative des flux polluants : plus de 50% des substances prioritaires sont éliminées à plus de 70% ; plus le traitement biologique est poussé, plus l’élimination des micropolluants est efficace.

Le procédé BRM (bioréacteur à membranes) étudié semble pouvoir améliorer encore l’efficacité du traitement pour environ 20% des substances détectées. Les stations arrêteraient entre 35% et 50% des autres substances étudiées, selon le traitement appliqué.

Selon Suez Environnement, AMPERES apporte une réponse rassurante aux inquiétudes nées des préoccupations environnementales liées à la présence de substances prioritaires et émergentes dans les eaux usées domestiques. Cependant, la croissance des exigences environnementales et une meilleures préservation des milieux aquatiques pourra nécessité la mise en oeuvre de traitements plus sophistiqués au-delà de 2015.

Agir en amont sur l’ensemble du bassin versant

Enfin, pour relever le challenge du « bon état » écologique et chimique des masses d’eau défini par Directive cadre européenne en France, un effort accru devra être fait sur l’ensemble du bassin versant. Plus concrètement, l’objectif devra être d’assurer la maîtrise des rejets non domestiques dans les réseaux d’assainissement (réduction des rejets de micropolluants à la source), mais aussi l’optimisation de la gestion des eaux pluviales, avec réaménagements urbains et généralisation de traitements en ligne, et enfin la surveillance accrue des milieux aquatiques, en particulier au niveau des rejets dans le milieu naturel.

S’agissant de l’impact des micropolluants sur la biodiversité, poissons et flore des rivières, la situation est plus complexe à étudier. En effet, au cours de leur dégradation, les substances polluantes peuvent générer d’autres molécules, qu’on ne sait pas forcément encore identifier et donc détecter mais qui peuvent cependant se révéler très polluantes. Parallèlement, des substances pas ou peu polluantes peuvent devenir toxiques au contact de molécules présentes dans les cours d’eau.

« Le projet Amperes a permis de montrer que certains micropolluants fortement concentrés en entrée de station d’épuration étaient mal éliminés. C’est le cas de certains médicaments bétablocants ou analgésiques. Il serait intéressant d’étudier leur écotoxicité? ou de tenter de réduire ces émissions à la source. » souligne Marina Coquery, coordinatrice du projet Amperes pour le Cemagref. Autant dire qu’il reste encore du chemin.

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