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Santé : « l’affaire PIP prouve les défaillances du système »

Marc Girard, mathématicien de formation, et médecin conseil en pharmacovigilance. Auteur de plusieurs livres prophétiques sur les dérives de notre système de santé, Marc Girard évoque le nouveau scandale des prothèses mammaires PIP et celui plus globalement des dispositifs médicaux en jetant un regard très critique sur la réforme voulue par Xavier Bertrand.

La nouvelle affaire des prothèses PIP a révélé l’absence de réglementation sérieuse en matière de dispositifs médicaux, peut-on craindre de nouveaux scandales à venir ?

Il y a eu une dégradation générale de la qualité des produits de santé liée à une baisse systématique des coûts, mais aussi à un contrôle déficient. Cela renvoie à la piètre qualité des médicaments génériques. Les laboratoires peuvent aujourd’hui utiliser dans leur formule chimique, la même soude qui vous sert à déboucher votre évier, ou de l’acide pour dégraisser les batteries.

L’affaire PIP et de son gel de silicone sans spécification médicale renvoie à une foultitude de problèmes qui prouvent les défaillances du système de santé. On se retrouve dans cette affaire sans assureur, avec une société en faillite, des autorités sanitaires incapables, et des organismes de certification incompétents. Dans cette affaire PIP, on touche du doigt les invariants des grands scandales sanitaires d’aujourd’hui avec en premier lieu une réglementation avec des contrôles de qualité inexistants ou déficients.

Pourquoi n’évoquez-vous pas la responsabilité des chirurgiens dans cette affaire ?

Même s’il ne faut pas nier que la question du prix a parfois joué un rôle déterminant dans le choix des prothèses PIP par les chirurgiens, les cliniques ou les hôpitaux, si on considère dans cette affaire que les chirurgiens sont responsables, on peut également mettre en cause tous les prescripteurs de médicaments potentiellement dangereux. Jusqu’où peut-on aller en matière de responsabilité médicale ?

Après l’affaire du Mediator, on vient de voir surgir celle des prothèses PIP, et peut-être bientôt celle des dispositifs médicaux, est-on encore loin d’avoir encore tout vu ?

Je dis depuis longtemps que toute l’agitation autour du Mediator est du pipeau. On a fait porter tout le poids des négligences du système sur les épaules de Servier, alors qu’il est probablement l’un des fabricants les plus sourcilleux en matière de réglementation.

Vous plaisantez quand vous considérez Servier comme « l’un des fabricants les plus sourcilleux » ?

Pas du tout. Je prends juste pour exemple la polémique sur sa lobbyiste au Parlement. Tout le monde a trouvé naturel qu’elle soit virée alors que Servier est l’un des rares fabricants à avoir déclaré de manière transparente le nom de sa lobbyiste à l’Assemblée. Et les autres labos qui n’ont jamais déclaré leurs lobbyistes, que font-ils ? Je ne défends pas Servier qui est un personnage tout à fait antipathique et déplaisant, mais il a surtout bien profiter d’une réglementation défaillante.

Pourquoi êtes-vous si critique envers cette réforme ?

Au-delà de la question de la réglementation, se pose la question de la volonté politique et des moyens engagés pour la faire respecter. On est vraiment en train de se moquer du monde. S’agissant par exemple des conflits d’intérêts, la réglementation existe depuis des décennies.

La vraie question à se poser c’est pourquoi cette réglementation ne fonctionne pas. Le caractère déclaratif est insuffisant. Pour qu’il fonctionne, il faut des contrôles et des sanctions à l’image des impôts. Dans ce domaine, il faut un réveil citoyen.

Cette réforme se traduit paradoxalement par une brutalisation des patients. On retire aujourd’hui brutalement du marché des tas de médicaments pour lesquels on a souvent le plus de recul en termes de pharmacovigilance et qui coûtent généralement le moins cher, pour les remplacer par des médicaments beaucoup plus discutables.

C’est exactement ce qu’il se passe actuellement avec les benzodiazépines (médicaments psychotropes NDLR) par exemple. On va virer ces produits, pour laisser la place libre à des produits plus récents, moins tolérés, moins efficaces et infiniment plus chers.

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