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Solaire : « le débat sur la transition énergétique est une occasion unique »

Céline AlleaumeCéline Alléaume, Senior manager au sein de Kurt Salmon, cabinet de conseil en management international. Spécialiste des questions énergétiques, Cécile Alléaume commente les mauvais chiffres de l’énergie photovoltaïque en France, révélés par la nouvelle édition de l’Observatoire de l’énergie solaire photovoltaïque, publié par le cabinet en association avec le think-tank France Territoire Solaire. Le ralentissement économique de la filière française se poursuit.

Malgré une relance annoncée par le gouvernement, l’activité reste basse à la lecture des chiffres trimestriels de l’énergie photovoltaïque que vous venez de publier, comment l’expliquez-vous ?

Tout montre que la relance n’est pas présente bien au contraire. La vitesse de développement du marché ne cesse de décroître, d’année en année depuis le moratoire. L’activité du premier trimestre 2013 est 3 à 4 fois moins importante qu’au premier trimestre 2012. Ce marché est en décroissance continue.

Il ne s’agit pas de relance mais d’urgence, comme d’ailleurs cela a été présenté en début d’année. Au rythme actuel, on ne respectera pas les objectifs de puissance installée, visée tant par l’Europe que par le Grenelle de l’environnement.

Pourtant tout le monde s’accorde à dire que la technologie photovoltaïque est en passe de devenir compétitive par rapport aux autres énergies. Mais les professionnels réclament un cadre réglementaire claire et transparent qui donne une lisibilité pour les prochaines années. Celle clarification doit permettre d’organiser la filière en visant l’horizon 2020. Il faut définir un objectif de capacité, année par année.

Comment cela se passe chez nos voisins européens ?

En comparaison avec l’Allemagne et l’Italie, la France est le seul pays en retard avec ses objectifs, quand nos deux voisins sont même plus rapides.

Est-ce que la France n’a pas voulu faire trop vite trop fort avec le photovoltaïque ?

Je ne crois pas du tout. Classée il y a une dizaine d’années dans les technologies dites « green », l’énergie photovoltaïque a été considérée un peu comme un gadget, venant en appoint des énergies classiques. Mais la France n’a pas élaboré de politique industrielle en la matière.

Désormais, la filière française a démontré qu’elle pouvait développer une logique industrielle. Aucune autre filière n’a enregistré une telle baisse des coûts. Et il ne s’agit pas uniquement de la chute des prix des produits venus d’Asie, mais aussi de l’ensemble de la chaîne de valeurs.

On n’a pas réadapté la politique de développement de la filière depuis 2005 en France. On est resté sur une politique de soutien et d’aides alors que l’énergie photovoltaïque est en train de devenir compétitive.

Le problème n’est-il pas justement qu’on a financé de manière très coûteuse une énergie pas encore mature, ni technologiquement, ni économiquement, même si elle est peut-être en train aujourd’hui de le devenir ?

Une partie de l’énergie solaire est déjà compétitive. Lorsqu’on compare les chiffres officiels du coût de l’électricité produite par les centrales EPR, à ceux de l’énergie solaire nouvellement installée, on se rend compte que le solaire tourne autour de 80 à 90 ? le MW/h quand l’EPR est estimé dans une fourchette allant de 80 à 110 ?.

S’agissant du segment des petites installations, lorsqu’on intègre le coût de l’installation solaire plus le coût de l’acheminement, ce n’est pas compétitif. Mais si demain les règles d’autoconsommation sont définies, les choses changeront.

Lorsque la personne aura droit d’utiliser l’énergie produite par son installation en autoconsommation, le coût de l’électricité sera finalement comparable au prix actuel de l’électricité au tarif bleu, c’est-à-dire autour de 130 ? le MW/h. Or, ce tarif  va justement être soumis à une très forte augmentation dans les années à venir, comme l’a annoncé la Commission de régulation de l’énergie.

Est-ce que l’avenir de cette filière n’est pas justement le développement de l’autoconsommation ?

Les deux. Il faudra aussi développer de nouvelles capacités installées pour venir compléter le bouquet énergétique. Dans ce cadre, il faut repenser les mesures actuelles sur le foncier agricole et les zones géographiques d’implantation du solaire. L’implantation de centrales solaires de taille raisonnable dans les forêts du sud-ouest ne gêne pas les riverains.

Les écologistes comme beaucoup d’agriculteurs sont plutôt opposées au développement de ces centrales?

Il faut choisir et regarder les choses en face. On ne peut pas refuser le gaz de schiste, le nucléaire, et ne pas vouloir développer le solaire ou l’éolien. La réalité, c’est la France comme l’Europe d’ailleurs, est dépendante énergétiquement, ce qui représente un risque géopolitique et économique majeur pour les années qui viennent.

L’idée c’est de faire croitre des filières alternatives et complémentaires aux énergies actuelles en rentrant dans une logique de diversité du bouquet énergétique. Autant ne pas mettre tous nos ?ufs dans un même panier. Personne ne sait ce qui se passera en 2030.

Vous émettez un certain nombre de préconisations, pouvez-vous en exposer une simple à mettre en place ?

A titre d’exemple, en matière d’installations résidentielles, la France est le seul pays européen à valoriser les panneaux solaires intégrés à la toiture. Or, cela implique des coûts supplémentaires liés au bâti avec une facture de BTP. En Allemagne ou en Italie, ils privilégient ce qu’on appelle le « sur-imposé », sans coût lié au bâti, ce qui peut diviser la facture par deux.

Qu’attendez-vous du débat sur la transition énergétique ?

Le débat sur la transition énergétique est une occasion unique pour remettre les choses à plat et s’organiser. Il ne faut pas être dans une logique de militantisme en faveur de telle ou telle filière, mais plutôt dans une logique de pragmatisme économique.

Comment anticipez-vous l’année 2013 ?

Elle est déjà jouée. Les deux appels d’offres attendus en 2013 ne sont toujours pas publiés. Cela fait déjà plusieurs années que les entreprises souffrent d’une activité en berne. Heureusement, elles sont dynamiques et certaines tirent leur croissance avec les marchés internationaux.

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