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« Aucune plante OGM ne présente d’intérêt pour le consommateur »

Jacques TestartJacques Testart, Biologiste de formation, docteur en sciences, directeur de recherche honoraire à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale); ex président de la CFDD (Commission française du développement durable 1999-2003). Jacques Testart s’est consacré aux problèmes de procréation naturelle et artificielle chez l’animal et l’homme. Le père scientifique du premier bébé éprouvette français vient de sortir un ouvrage « A qui profitent les OGM ? » publié aux éditions du CNRS.

Votre dernier ouvrage s’intitule « A qui profitent les OGM ? ».  Avez-vous la réponse ?

Oui ! On peut dire que les OGM profitent principalement aux  semenciers  qui les vendent, avec tout un réseau qui se développe autour, groupes industriels, chercheurs…. Cela profite aussi à l’idéologie qui laisse croire que l’ADN et la modification du vivant va pouvoir améliorer tout et n’importe quoi : fabriquer des combustibles, guérir des maladies, comme s’il s’agissait d’une stratégie  miraculeuse !

Et vous ne croyez pas à ce miracle ?

Pour moi, c’est de la poudre aux yeux !

Il existe plusieurs formes d’OGM. Lesquelles combattez-vous ?

Il est effectivement nécessaire d’être clair. Il existe plusieurs types d’OGM : les OGM de laboratoire qui font avancer la recherche grâce à des animaux ou des plantes, fabriqués uniquement pour aider la recherche. Il existe aussi les OGM industriels qui sont des microorganismes qui servent dans la fabrication des médicaments par exemple et contre lesquels personne ne dit quoi que ce soit. Mais cela sert un peu de paravent pour l’industrie des plantes transgéniques.

Et enfin ce que j’évoque dans mon livre, ce sont justement ces PGM, plantes génétiquement modifiées, qui ont comme principale caractéristique d’être disséminées dans la nature. On fait de l’expérimentation en mettant la paillasse du laboratoire à champ ouvert. C’est donc quelque chose de nouveau pour  la société, et cela peut se révéler problématique compte tenu des risques de dissémination, de contamination… De plus une grande partie des PGM sont consommées par nos animaux d’élevage et une petite partie directement par les humains.

Votre combat, ce sont donc ces PGM ?

Tout à fait. Et je  pose la question à quoi elles servent. Pour l’instant, aucune plante génétiquement modifiée ne présente d’intérêt pour le consommateur. Donc sauf à enrichir les industriels ou certains cultivateurs, les consommateurs n’ont aucun avantage à consommer des PGM.

Et du point de vue des agriculteurs ?

Quant bien même il y aurait un avantage à la culture d’OGM pour les agriculteurs, il n’y a aucune raison que les 6 milliards d’habitants de la planète le supportent. Il existe peut être des avantages professionnels mais pour le consommateur il n’y en a pas. C’est la seule innovation de l’histoire qui ne présente aucun intérêt pour le consommateur et ça, c’est assez original !

Certains évoquent l’intérêt des cultures d’OGM dans des zones où la nourriture manque, maïs, blé…

Justement, c’est le contraire. S’il existe un intérêt de la cuture d’OGM, c’est pour les gros agriculteurs. C’est pour ça que leur développement intervient essentiellement aux Etats-Unis, ou dans les grandes plaines d’Argentine. Cela convient pour des cultures massives, intensives, industrielles…. et dans ce cas, l’intérêt pour l’agriculteur, c’est un gain de main d’oeuvre.

Or le résultat ces dix dernières années, c’est que les quantités du désherbant  RoundUp par exemple, ont été multipliées par trois. Mais ce n’est pas grave puisque son fabricant Monsanto, qui vend aussi les PGM qui tolèrent ce pesticide dit que c’est bon pour la santé ! Or, il a été démontré aujourd’hui que c’est un produit très dangereux.

Que reprochez-vous concrètement à ces PGM ?

Un des problèmes majeurs est qu’au bout de trois, quatre ou cinq ans, certaines mauvaises herbes résistent. On sait depuis Darwin que de nouvelles espèces apparaissent sans cesse , fruits de mutations, et c’est ce qui arrive lorsque l’on « provoque » les mauvaises herbes. Il y en a une sur un million qui va muter puis résister. Résultat aujourd’hui aux Etats-Unis, il existe de vastes territoires abandonnés où de mauvaises herbes redoutables et pour lesquelles on ne dispose plus d’herbicides. On est donc obligé de les arracher à la main sur de telles surfaces que cela devient tout simplement impossible.

C’est la même chose pour les plantes transgéniques qui fabriquent un insecticide. Toutes les plantes produisent naturellement une dose d’insecticide. Mais là, on booste cette fonction grâce à un gène qui va leur faire fabriquer massivement un insecticide destiné à éradiquer un insecte ciblé. Pour le maïs par exemple, c’est la pyrale.

Mais on s’est aperçu que ce n’est pas si précis que ça, et que  les PGM tuent  également d’autres espèces, comme les coccinelles, les abeilles, des papillons, et il se passe alors la même chose que pour les mauvaises herbes. Certaines espèces deviennent résistantes à l’insecticide. Ces nouveaux insectes, on ne peut alors plus rien contre eux. Donc, scientifiquement, l’idée de fabriquer des OGM en voulant éradiquer l’ennemi est absurde  si on tient compte  des lois de  l’évolution.

L’avantage en main d’oeuvre qu’avaient les grands agricultures à balancer massivement leur RoundUp par exemple va disparaître. Et pour ceux qui veulent revenir aux cultures classiques, leurs terres sont pourries car appauvries par les engrais car avec les PGM la chimie est partout. On épuise la terre et on se retrouve avec un support où seules les mauvaises herbes subsistent. C’est une situation assez dramatique.

Mais les grosses firmes savent rendre leurs clients dépendants…

Ils sont en effet contraints à une certaine dépendance de deux façons. S’ils veulent remettre des OGM, il leur faut les racheter chaque année parce qu’ils n’ont pas le droit de replanter une partie de leur récolte.

Mais j’ai également vu des contrats en Espagne, dans lesquels les agriculteurs s’engagent à ne pas replanter une même culture  non  transgénique l’année suivante. C’est à dire qu’une fois que l’on a  mis le pied dans la culture OGM, on s’engage à ne plus faire que ça.

Si l’on regarde les chiffres, les surfaces cultivées semblent néanmoins croître régulièrement. Des nouveaux agriculteurs sont donc séduits par ces cultures chaque année ?

Oui, des chiffres laissent entendre que les surfaces cultivées auraient encore augmenté de 7%. en 2012. Mais c’est du pipeau. C’est fabriqué par les industriels. C’est le fruit des lobbies qui tentent de faire croire que ça marche et que tout le monde est content. Mais il semblerait tout de même que ça commence à fatiguer, ça n’augmente plus et  l’avenir est incertain.

Mais il ne faut pas se leurrer, ce que moi je pense, n’est pas l’opinion de la majorité des chercheurs et la grande machine de la propagande arrive à convertir de nouveaux agriculteurs chaque année. On peut même se demander si la stratégie des Monsanto et autres firmes, ce n’est pas de parvenir à une pollution mondiale, avant que la supercherie, à savoir que cela ne sert à rien, soit dévoilée.

Que pensez-vous du revirement idéologique de l’écologiste britannique Mark Lynas, qui considère désormais, que « critiquer les OGM, c’est être anti-science » ?

Je pense qu’il a du y trouver un avantage !

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