EFSA : les raisons du refus de l’étude OGM de Séralini

Comme annoncé, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a publié son avis au sujet de l’étude de Gilles-Eric Séralini au sujet de la toxicité potentielle du maïs NK603 génétiquement modifié et du Round-Up, un herbicide contenant du glyphosate commercialisé par Monsanto. Et, elle considère donc que l’étude était d’une qualité scientifique insuffisante pour être considéré valide pour l’évaluation des risques. On nous explique pourquoi.

L’examen initial réalisé par l’EFSA considère que la conception, le système de rapport des données et l’analyse de l’étude, tels que présentés dans le document, sont inadéquats. L’EFSA a invité l’équipe Séralini à partager certaines informations additionnelles essentielles afin de lui permettre d’acquérir la compréhension la plus complète possible de l’étude.

Per Bergman, qui a dirigé les travaux de l’EFSA, s’explique. « Certains pourraient être surpris par le fait que la déclaration de l’EFSA se concentre sur la méthodologie utilisée dans cette étude plutôt que sur ses résultats, mais cette question est justement au c?ur du problème. Lorsqu’on réalise une étude, il est essentiel de s’assurer qu’un cadre approprié soit mis en place. Si on a clairement défini ses objectifs et qu’on a établi une conception et une méthodologie appropriées, on constitue une base solide à partir de laquelle des données précises et des conclusions valides peuvent être générées. Sans ces éléments, il est peu probable qu’une étude se révèle fiable et valide. »

Le choix des rats

Voici les différents points qui posent problèmes aux experts de l’Efsa dans leur analyse. Tout d’abord, la souche de rat utilisée dans cette étude sur deux ans est sujette à développer des tumeurs au cours de son espérance de vie d’environ deux ans. Cela signifie que la fréquence observée des tumeurs est influencée par la fréquence naturelle des tumeurs typiques à cette souche, indépendamment de tout traitement. Ce fait n’est ni pris en compte ni abordé par les auteurs. Ensuite, les auteurs ont divisé les rats en 10 groupes de traitement mais ils n’ont mis en place qu’un seul groupe de contrôle. Cela signifie qu’il n’y avait pas de contrôle approprié pour quatre groupes ? environ 40% des animaux ? ayant tous été nourris avec du maïs GM traité ou non traité au moyen d’un herbicide contenant du glyphosate.

Par ailleurs, l’article n’a pas respecté les méthodes normalisées reconnues sur le plan international ?connues sous le nom de protocoles ? en matière de mise en place et de réalisation d’expériences. La plupart de ces procédures sont élaborées par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Pour une étude de ce type, les lignes directrices de l’OCDE indiquent la nécessité d’utiliser un minimum de 50 rats par groupe de traitement. L’équipe Séralini n’a utilisé que 10 rongeurs par ensemble de traitement. Le nombre peu élevé d’animaux utilisés est insuffisant pour pouvoir faire une distinction entre l’incidence des tumeurs dues au hasard et celles dues à des effets spécifiques associés au traitement.

Nourriture, exposition?

Les auteurs n’ont pas non plus communiqué leurs objectifs de recherche. Les objectifs de recherche sont les questions auxquelles une étude vise à répondre. Ils définissent des facteurs essentiels tels que la conception de l’étude, la taille correcte de l’échantillonnage ou encore les méthodes statistiques utilisées pour analyser les données ?  tous ces éléments ayant un impact direct sur la fiabilité des résultats. Aucune information n’est donnée sur la composition de la nourriture administrée aux rats, sur ses modalités de stockage ou sur  les substances nocives éventuelles ? comme les mycotoxines – qu’elle aurait pu contenir.

Il n’est pas non plus possible d’évaluer correctement l’exposition des rats à l’herbicide étant donné que l’apport n’est pas clairement indiqué. Les auteurs font seulement état du niveau d’application de l’herbicide utilisé pour vaporiser les plantes et de la concentration ajoutée à l’eau de boisson des rats, mais ils ne communiquent aucune information détaillée concernant le volume de l’eau ou des aliments consommés.

Question de méthode

L’étude n’applique pas les méthodes d’analyse statistique couramment utilisées et elle ne précise pas si la méthode a été spécifiée avant le commencement de l’étude. La validité de la méthode utilisée est donc mise en question et il existe également des questions quant au rapport fait sur l’incidence des tumeurs. Des données importantes, telles qu’un résumé des pertes ou une estimation des effets du traitement sans biais ne sont pas communiquées dans l’article.

De nombreux facteurs résultants ? ce qui est mesuré dans l’étude ? n’ont pas été rapportés dans l’article. Cela inclut notamment des informations limitées sur les lésions autres que les tumeurs qui ont été observées. L’EFSA a demandé aux auteurs de communiquer tous les facteurs résultants dans l’intérêt de l’ouverture et de la transparence.

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