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Pesticides : « en France, l’objectif est de ne rien trouver »

François Veillerette, Président de Générations Futures, association de défense de l’environnement qui lutte contre les pesticides et les OGM. Il réagit à deux études d’apparence contradictoires, sur l’impact des pesticides sur les agriculteurs, et commente son dernier livre, co-écrit avec Marine Jobert, intitulé « Le Vrai Scandale des gaz de schiste » (éditions Les Liens qui Libèrent).

Les résultats de l’étude RnV3P qui viennent d’être publiés marquent-ils une étape importante dans la lutte contre les pesticides, en confirmant leurs impacts sur la santé des agriculteurs ?

Oui, ils sont importants et ils confirment ce que l’on sait déjà. De nombreuses études ont été publiées aux Etats-Unis et en Europe révélant que les agriculteurs avaient plus de risques de développer des cancers ou la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer. Ce qui était étrange, c’était qu’il existait encore peu d’études en France à ce sujet, à part une étude bibliographique de l’InVS.

Que révèle exactement cette étude ?

Elle démontre que les agriculteurs utilisant des pesticides ont plus de risques de développer des tumeurs.  Ces résultats portés par l’Anses confirment les études précédentes déjà publiées à l’étranger.

Quasiment au même moment, une autre étude baptisée AGRIGAN révèle au contraire la bonne santé des agriculteurs, comment l’expliquez-vous ?

Ce n’est pas une révélation. Les agriculteurs sont en meilleure santé parce qu’ils ont une hygiène de vie globalement meilleure que le reste de la population, et c’est bien sûr une bonne nouvelle.  La question est de savoir s’il existe des facteurs de risques spécifiques chez les agriculteurs. Le problème avec cette étude, c’est que les résultats sont extrêmement partiels. Les résultats donnent des chiffres sur la mortalité par cancers mais par sur la morbidité, c’est-à-dire sur le nombre de cas.

Quels sont les agriculteurs les plus touchés par des problèmes de santé ?

L’étude AGRIGAN n’est pas représentative de la population des agriculteurs, avec par exemple seulement 48% d’entre eux qui utilisent des pesticides. De mémoire, seulement  16% des viticulteurs étudiés manipulent des pesticides, ce qui est très peu, alors que c’est une des cultures qui en utilisent le plus.

Au regard d’études internationales mais aussi d’une étude française réalisée dans la région de Bordeaux sur les travailleurs de la vigne, on sait par exemple que les viticulteurs sont plus touchés par la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer. Une étude canadienne a par ailleurs révélé, sur 10 ans de publications scientifiques mondiales, que 88% des études réalisées sur cette question confirmaient un lien entre l’utilisation des pesticides et les cancers.

En France, on n’étudie pas les populations d’agriculteurs les plus exposés aux pesticides, et on ne trouve donc pas grand chose. Par ailleurs, on ne s’intéresse qu’à la mortalité par cancers sans s’intéresser également au nombre de cas de cancers déclarés, ce qui minimise les chiffres. On a l’impression que l’objectif est de ne rien trouver.

Au-delà de la question des agriculteurs, vous avez récemment évoqué des conséquences sur la santé de salariés de l’agroalimentaire, de quoi s’agit-il ?

Il s’agit de salariés qui ont manipulé des céréales ou traité des céréales dans des silos avec des produits dangereux. Peu de gens savent qu’on traite chimiquement les céréales dans les silos, même s’il est possible également de les traiter par la ventilation. Les salariés sont donc exposés à des insecticides parfois très toxiques, du même type que ceux utilisés en culture, sauf que la quantité employée est importante.

Les employés exposés développent des maladies neurodégénératives qui posent de nombreux problèmes de santé. Les mêmes produits provoquent les mêmes pathologies, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Des procédures judiciaires sont en cours dans une entreprise bretonne particulièrement touchée.

Autre sujet, vous venez de publier « Le vrai scandale des gaz de schiste », pourquoi parler de scandale ?

Le scandale existe à plusieurs niveaux. Le scandale se situe tout d’abord dans la gouvernance même de cette affaire, avec des permis d’exploration signés par un directeur de l’énergie au ministère, sans que son ministre ne soit au courant. Ces permis engagent pourtant la politique énergétique française, sans le moindre débat démocratique, et sans même que le ministre ne soit d’accord, ce qui est purement scandaleux. On nous refait le coup du nucléaire dans cette histoire.

Par ailleurs, on parle de lutte contre l’effet de serre, contre le réchauffement climatique, d’énergies renouvelables, et on veut exploiter ces hydrocarbures, alors qu’on sait aujourd’hui que cette exploitation entraîne une pollution de l’eau, mais aussi des émissions de méthane dans l’air. Cette exploitation a détourné une partie des capitaux investis aux Etats-Unis dans le développement des énergies renouvelables vers le gaz de schiste.

Vous parlez de débat démocratique, mais les écologistes ont confisqué ce débat en s’opposant a priori à toute exploitation dans l’hexagone?

Les foreuses étaient sur le point d’arriver en Picardie du côté de Château Thierry. Il est normal que les gens réagissent avant l’irréparable ne soit commis. Les élus de droite comme de gauche se sont mobilisés contre cette exploitation. On peut imaginer que si les choses avaient été faites dans le bon sens, avec un débat transparent, un décision éclairée aurait pu être prise en consultant les citoyens.

On a mis les gens devant le fait accompli dans cette affaire. Aujourd’hui, il faut se tourner vers la transition énergétique et les énergies renouvelables, plutôt que de recourir encore à des énergies polluantes, émettrices de gaz à effet de serre.

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