Radioactivité : le tritium est-il une bombe nucléaire à retardement ?

Dangereux ou pas dangereux le tritium ? Pour tenter de faire la lumière sur cette question, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire a publié 6 rapports destinés à apporter des éléments de réponse. Si l’IRSN considère ce gaz « modérément radiotoxique », il reconnaît qu’il existe encore des zones d’ombre sur son impact sanitaire et environnemental sur le long terme.

Rejeté dans l’environnement par l’industrie nucléaire, ce gaz radioactif considéré comme inoffensif notamment par l’IRSN fait l’objet de différents soupçons, en terme sanitaire. En effet, plusieurs questions ont été posées ces dernières années sur la pertinence des méthodes d’évaluation de l’impact environnemental et sanitaire du tritium rejeté par les activités nucléaires.

« Au regard de la demande sociétale exprimée, et du caractère encore parcellaire des connaissances scientifiques en la matière », l’Institut précise qu’il a estimé nécessaire de mener de nouvelles recherches sur l’impact sanitaire du tritium, en coopération avec d’autres pays. Ce questionnement a été initié par des groupes scientifiques de réflexion ou des associations. Il a été repris plus récemment, en 2008, par la Commission européenne.

En France, dans le prolongement de ce questionnement, l’IRSN rappelle que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a mis en place, depuis janvier 2008, deux groupes de réflexion pluralistes au sujet respectivement des sources de rejet de tritium et de sa gestion, et de l’impact environnemental et sanitaire des rejets de tritium. Ces travaux, auxquels l’IRSN a contribué notamment en produisant 6 rapports « d’état de l’art des connaissances » sur les différents aspects concernant le tritium, ont conduit à l’élaboration du Livre blanc rendu public par l’ASN.

« Modérément radiotoxique »

L’IRSN souligne que l’industrie nucléaire rejette, de manière continue, des quantités de tritium dans l’environnement, variables selon l’installation considérée (l’équivalent au total d’une quarantaine de grammes par an). Le tritium n’est que « modérément radiotoxique », mais il représente en France « l’un des radionucléides prépondérants en terme d’activité » (mesurée en Becquerels) rejetée par les installations nucléaires, tant dans les effluents liquides que gazeux.

Par ailleurs, des modifications de certains modes de gestion du combustible des réacteurs de puissance actuels, la mise en exploitation de nouveaux réacteurs ainsi que celle de l’installation ITER, conduiront à « une augmentation des rejets de tritium dans l’environnement » dans les prochaines années, prévient les experts de l’IRSN. « Il est important de pouvoir apprécier correctement, à la lumière des connaissances scientifiques les plus avancées, les différents paramètres qui justifient l’acceptabilité de tels rejets, tant au plan environnemental que sanitaire » souligne l’IRSN.

Selon les 6 rapports produits par l’IRSN, plus révélations se font jour. Tout d’abord, les plus grandes quantités de tritium rejetées dans l’environnement ont été celles résultant des essais aériens d’armes nucléaires, essentiellement jusqu’en 1963. Compte tenu de la période de décroissance radioactive du tritium (12 ans), la part résiduelle actuelle de ces rejets dans l’environnement est désormais très faible.

Dans les effluents des installations industrielles

L’IRSN rappelle que les rejets de tritium des installations nucléaires françaises ont connu une évolution contrastée au cours des deux dernières décennies, avec notamment une réduction très sensible des rejets gazeux (de l’ordre d’un facteur quatre) en raison de l’évolution des activités de certaines installations, d’avancées technologiques et de progrès dans la gestion des effluents.

Dans ce contexte globalement favorable, les rejets des centrales nucléaires sont restés stables et ceux des usines de traitement des combustibles usés ont augmenté du fait de la mise en service des nouvelles usines de La Hague. Par ailleurs, il est à noter que les techniques actuellement disponibles ne permettent pas de piéger le tritium présent, souvent sous forme peu concentrée, dans les effluents des installations industrielles.

L’IRSN considère, sur la base des connaissances scientifiques disponibles, qu’il n’existe pas de mécanismes de bioaccumulation du tritium dans les écosystèmes aquatiques ou terrestres, et ce, quelle que soit sa forme chimique. En revanche, une rémanence plus ou moins longue du tritium peut être observée dans certains de ces écosystèmes, lorsque le tritium est lié à des molécules organiques.

Des « lacunes »

Si l’IRSN considère que la valeur de l’actuel facteur de pondération wR, utilisé pour la gestion du risque radiologique lié aux expositions humaines au tritium, reste pertinente dans le contexte global du système d’évaluation du risque élaboré par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR). L’IRSN rappelle toutefois que les données expérimentales sur lesquelles se fonde la valeur de ce facteur comportent des lacunes, en particulier pour ce qui concerne l’exposition chronique de faible niveau et de longue durée à des molécules organiques tritiées.

En conclusion, l’IRSN recommande, « malgré la faible radiotoxicité du tritium », que soient comblées les lacunes de connaissances sur ses effets sanitaires et environnementaux, grâce à la réalisation, dans un cadre de coopération internationale, de programmes expérimentaux de recherche représentatifs des conditions réelles d’exposition. Ces travaux permettraient notamment de produire des modèles réalistes d’évaluation des risques à des fins de radioprotection de l’homme et des écosystèmes.

Les principaux besoins de connaissances identifiés pour le tritium portent sur 3 points précis : l’amélioration des techniques de mesure afin de réduire encore les limites de détection de ce radionucléide dans l’environnement, une compréhension plus fine du comportement du tritium sous ses différentes formes (notamment le tritium organique) au sein des écosystèmes, avec le développement d’outils de modélisation plus performants, et enfin une évaluation, dans des conditions réalistes d’exposition, des effets biologiques et sanitaires du tritium sur les organismes vivants.

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