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On sait que tout le monde est impr�gn� � des niveaux importants

andre_cicolella.JPGAndr� Cicolella, chimiste et porte-parole de R�seau Environnement Sant�, qui veut mettre le lien environnement-sant� au coeur des politiques de l’environnement et au coeur des politiques de la sant�. Andr� Cicolella vient d’�tre auditionn� � l’Assembl�e nationale pour d�fendre la position du RES qui milite pour l’interdiction du bisph�nol A dans les plastiques alimentaires.

Vous venez d’�tre auditionn� par le groupe Sant� environnementale de l’Assembl�e nationale sur les risques sanitaires du bisph�nol A, quel a �t� votre message ?

Cela a �t� extr�mement positif puisque c’est la premi�re fois que nous avons pu exposer clairement la nature des enjeux sur cette question. A l’occasion de la visite � Paris d’Ana Soto et Carlos Sonnenschein, deux scientifiques am�ricains que nous avions invit�, nous avions demand� qu’ils puissent �tre auditionn�s.

Qui avait �t� invit� par les d�put�s ?

Les parlementaires ont tenu � inviter tout le monde � savoir l’AFFSA, les industriels, Patrick F�nichel, endocrinologue ni�ois, qui vient de publier un article sur le sujet, qui a expos� la probl�matique des perturbateurs endocriniens, et donc moi-m�me pour le R�seau Environnement Sant� (RES).

Pourquoi mettez-vous en cause la d�ontologie de l’AFSSA ?

J’ai critiqu� la position de l’AFSSA du point de vue des bonnes pratiques d’�valuation des risques. L’AFFSA suit la position de l’EFSA, l’agence europ�enne. Dans la mesure o� on fait une �valuation des risques, on suit les bonnes pratiques. En la mati�re, elle consiste � s’int�resser aux donn�es exp�rimentales qui montrent un impact aux doses les plus faibles. C’est logique puisqu’on cherche � prot�ger l’homme.

Pourtant, l’AFSSA ne retient comme �tude de base, qu’un rapport rassurant de l’industrie chimique qui ne montre pas d’effet n�faste du BPA, si ce n’est une possible prise de poids. Les experts de l’AFSSA laissent de c�t� 90% des autres �tudes notamment des universitaires qui montrent elles un impact.

Si ce que vous dites est vrai, c’est grave ?

L’AFSSA nous explique que l’homme est moins sensible que le rat, car il d�toxifierait mieux que le rat alors que des �tudes montrent que c’est faux. Il suffit que lire la litt�rature scientifique pour constater le contraire.

Pourquoi l’AFSSA omettrait volontairement les �tudes mettant en cause le bisph�nol A ?

C’est une bonne question. A la lecture de Rue89, on constate des conflits d’int�r�t dans le comit�. Quand vous avez � l’AFSSA, une personne qui travaille pour Ark�ma, producteur de polycarbonate, deux personnes qui travaillent pour le centre technique de la conserve, financ� � 70% par l’industrie de la conserve, vous pouvez douter de l’objectivit� de cette agence.

Quand on est en situation de responsabilit�, ce n’est pas acceptable de ne pas prendre la mesure du danger. C’est irresponsable. C’est un probl�me tr�s grave.

Ce fameux bisph�nol A, o� le retrouve-t-on, dans les biberons mais encore ?

Le vrai probl�me, c’est l’intoxication maternelle qui se transmet � l’enfant. Et le stade f?tal est d�cisif. Cette intoxication provient essentiellement de la consommation alimentaire de bo�tes de conserve, en raison de la paroi qui recouvre l’int�rieur de la plupart des bo�tes, les r�servoirs d’eau y compris les cuves de vin, bref on retrouve ce bisph�nol A dans la plupart des plastiques alimentaires. On retrouve ce BPA dans les canettes de boissons �galement.

Y-a-t-il selon vous urgence � interdire ce BPA dans les plastiques alimentaires ?

Il y a urgence. 93% des am�ricains sont impr�gn�s en bisph�nol A. On a toutes les raisons de penser que les fran�ais sont tr�s majoritairement impr�gn�s �galement par ce bisph�nol A. On ne peut pas accepter d’intoxiquer tous les nourrissons, soit � travers le biberon, soit � travers le sein maternel, et m�me d�s le stade f?tal. C’est totalement irresponsable.

Sachant que le produit est �limin� tous les jours, la contamination est quotidienne, m�me si cette intoxication n’est pas bien identifi�e. Une �tude am�ricaine sur des �tudiants am�ricains d’Harvard a r�cemment d�montr� que le taux d’impr�gnation de bisph�nol A augmentait de 66% avec la consommation de deux canettes par jour.

Vous allez �tre re�u au minist�re de la Sant�, qu’attendez-vous des pouvoirs publics ?

Nous souhaitons que le gouvernement prenne en compte ces donn�es nouvelles. La situation �volue dans le monde. On nous expliquait jusqu’alors que toutes les agences sanitaires �taient d’accord pour juger le BPA sans danger. C’�tait le cas �galement pour ne pas interdire l’amiante.

Apr�s le Canada, le S�nat de la Californie a d�cid� d’interdire le bisph�nol A dans les plastiques alimentaires. Par ailleurs, l’agence am�ricaine FDA (Food and Drug Administration) est en train de reconsid�rer sa position.

En terme d’impact, que sait-on d’ores et d�j� des cons�quences du bisph�nol A ?

On sait d�j� que tout le monde est impr�gn� � des niveaux importants. Le probl�me c’est qu’on ne conna�tra v�ritablement les cons�quences sanitaires du bisph�nol A que dans 50 ou 60 ans.

Pourquoi un tel d�lai ?

On a une exp�rience comparable avec l’affaire du distilb�ne. C’est une mol�cule tr�s proche. Les femmes qui ont pris du distilb�ne n’ont pas connu de probl�me, mais ce sont leurs filles et leurs fils qui ont rencontr� des soucis. Aujourd’hui, on s’aper�oit que ce sont les petits-enfants qui ont des probl�mes.

Chez la souris impr�gn�e, on constate dans une �tude r�cente, une atteinte de la spermatog�n�se chez leurs descendants. Si on continue � ne rien faire, on risque de rencontrer les m�me probl�mes chez l’homme.

A quand remonte cette impr�gnation massive de l’homme ?

Une petite quinzaine d’ann�es. Avant de constater les cas de cancers du sein chez les petites filles impr�gn�es, il faut compter peut-�tre 40 ans. C’est pour cela qu’il faut agir maintenant, on ne peut pas attendre, c’est absurde. D’autant plus qu’il n’y a de probl�me de remplacement, on sait faire autrement.

Pour finir sur une note optimiste?

Cette contamination est tr�s diff�rente de celle de l’amiante, qui est malheureusement d�finitive, une fois qu’elle est log�e dans les poumons. On peut et on sait faire sans, et il suffit d’arr�ter cette contamination pour stopper les risques qu’elle fait courir sur notre sant�. C’est simple et urgent.

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