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« C’est la maladie du siècle, au même titre que l’amiante »

rivasi_michele.JPGMichèle Rivasi, présidente du Centre de Recherche et d’Information Indépendantes sur les Rayonnements ElectroMagnétiques (Criirem) et fondatrice de la Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité (Criirad).

Vous demandez un moratoire sur les ondes Wi-Fi. Pourquoi ?

Il n’y a pas d’étude sanitaire sur les ondes Wi-Fi, il n’y a que des indications sur les types de fréquence, la toxicité par rapport à ce type de fréquence. Dans les lieux où les personnes travaillent 8 heures par jour à proximité des bornes Wi-Fi, il y a des problèmes sanitaires qui se posent.

Nous n’avons pas attendu que des problèmes apparaissent pour demander un moratoire. Nous pensons qu’il ne faut pas d’installations de bornes Wi-Fi tant que des études sanitaires ne sont pas faites, et notamment pas dans les lieux publics où les personnes restent longtemps.

Que demandez-vous ?

Nous demandons surtout la diminution de la puissance des bornes Wi-Fi et des antennes relais. Nous demandons également un moratoire sur le Wimax. Le Wimax a des fréquences de l’ordre de 3 à 6 GHz et on ne sait absolument rien dessus. Dans plusieurs communes, l’installation du Wimax a été refusée. En plus, les antennes Wimax ont une puissance plus importante. On ne peut donc pas commencer à installer ces antennes sans savoir si les gens vont être malades.

Suivant le principe de précaution, la mairie de Paris a désactivé ses bornes Wi-Fi dans plusieurs bibliothèques. Pour vous, c’est une première victoire ?

Nos recommandations, qui s’appuyaient sur le rapport Bioinitiative Report, qui regroupe environ 1.800 scientifiques qui ont publié sur des sujets qui ont un rapport de près ou de loin avec le Wi-Fi, montraient que l’on s’attendait à cela.

Il a fallu qu’ une grève éclate au sein du personnel qui travaille dans ces bibliothèques pour que les bornes Wi-Fi soient arrêtées. Combien faut-il de morts, d’anomalies, pour que les pouvoirs publics prennent des mesures ? On n’est jamais sur un principe de précaution. On installe des bornes Wi-Fi partout et il faut qu’il y ait un rapport de force pour qu’elles soient arrêtées.

Avec les nouvelles technologies, il faut être très prudent. Il faut faire des études avant de faire l’exploitation industrielle.

Le Wi-Fi, ce sont des ondes électromagnétiques…

De 2.450 MHz. Ce sont les mêmes que celles du micro-ondes. Il y a eu des études en 1995 qui montraient la génotoxicité de ces ondes. A ce type de fréquence, on a des ruptures d’ADN au niveau des chromosomes. C’est assez problématique.

Il y a eu des études concernant ces ondes ?

Quand le Criirem a été créé en novembre 2005, nous avions suffisamment d’études qui montraient qu’il fallait faire attention au portable, et qu’il fallait être très vigilant vis-à-vis des enfants. Non seulement leurs cellules sont en division, mais ils ont énormément de molécules d’eau par rapport aux adultes. Ils vont être beaucoup plus sensibles.

Nous avons déjà demandé que les enfants de moins de 15 ans n’aient pas de portable. La dernière étude Interphone de l’OMS a montré qu’après 4 ans d’utilisation chez les adultes, on commençait à voir des chiffres significatifs sur l’augmentation des tumeurs du cerveau.

Il faut attendre qu’il y ait des tumeurs du cerveau pour que l’on dise « attention, il ne faut pas faire de la publicité pour les portables ». Ce n’est pas le problème des opérateurs de téléphonie mobile. Leur souci, c’est de faire du bénéfice.

Quels sont les effets de toutes ces ondes sur la santé ?

Il y a de plus en plus d’études qui montrent qu’il y a un danger. Pour le portable, il n’y a plus d’ambiguïté. C’est un problème d’utilisation du portable. Plus une personne va utiliser son portable, plus elle a des risques de développer des tumeurs au cerveau. Par ailleurs, une étude israélienne datant de 2007 montre que l’utilisation du portable peut déclencher des cancers des glandes salivaires.

Sur les antennes relais, des études montrent une augmentation des cancers à proximité de ces installations. De nombreuses études ont montré que plus nous sommes proches de ces antennes relais, plus le « syndrome du micro-ondes » (irritabilité, nausées, migraine, problèmes cutanés, problèmes cardiaques, dépression…) est fréquent.

D’une manière générale, plus nous sommes à proximité d’une pollution électromagnétique, plus les personnes deviennent électrosensibles. Comme si notre biologie interne avait une capacité de réparation. Si cette capacité de réparation est dépassée, nous devenons de plus en plus sensibles.

Pour les ondes Wi-Fi, nous disposons de plusieurs exemples, notamment à Combovin, un petit village où les habitants sont tombés malades sans savoir qu’une antenne avait été installée. On ne peut donc pas dire qu’il s’agit de radiophobie. Suite à des manifestations, l’antenne Wi-Fi a été enlevée et remplacée par le câble. Depuis, les habitants se sentent très bien.

Les symptômes sont des maux de tête fréquents, des insomnies, des pertes de mémoire. Certaines personnes ont eu des problèmes au niveau du c?ur, des problèmes de tachycardie. Tous ces symptômes se sont arrêtés le jour où l’antenne a été débranchée.

Récemment, le ministère de la Santé a invité les parents à ne pas donner de portable aux jeunes enfants, le gouvernement va dans le bons sens ?

C’est Mme Bachelot qui a pris cette mesure avec laquelle nous sommes totalement d’accord. On aurait aimé qu’elle prenne cette mesure avant Noël. Il y a eu énormément de publicité faite par les opérateurs de téléphonie mobile qui utilisent l’angoisse des parents (savoir où sont leurs enfants). Or, le téléphone portable n’est pas un objet banal. Il peut être utilisé comme un jouet, alors que ce n’en est pas un.

Quelles sont les précautions à prendre pour limiter son exposition aux ondes électromagnétiques ?

C’est difficile de revenir en arrière. Tout le monde a un portable. Concernant l’utilisation du portable, il y a des précautions à prendre. Nous avons publié une fiche « Les 12 bons réflexes à adopter ».

La première chose, c’est pas de portable pour les enfants qui ont moins de 15 ans. Ensuite, il faut que lorsque nous utilisons le portable, les discussions soient courtes et espacées. Il faut choisir un portable dont la dose d’absorption spécifique (DAS) est la plus basse possible, de l’ordre de 0,3-0,4 W/Kg. C’est une norme fixée à 2W/Kg qui vise à limiter les effets thermiques, les effets d’échauffement dus au rayonnement. La DAS est indiquée sur la notice, c’est obligatoire. Le problème c’est que d’une part le consommateur n’est pas informé et d’autre part, les vendeurs de téléphonie mobile ne sont pas très sensibilisés sur cette norme.

Il ne faut pas mettre son portable près du c?ur ou près des organes génitaux. Il ne faut pas mettre son portable sur le ventre d’une femme enceinte. Il ne faut pas utiliser son portable dans la voiture. Le portable va chercher sans arrêt l’antenne relais. Or, la puissance d’émission va être plus importante lorsque le portable va chercher l’antenne et que la réception est mauvaise. De plus, la voiture fait « cage de Faraday », c’est-à-dire que les ondes ont tendance à se réfléchir sur la voiture. Pour téléphoner, il faut mieux descendre de la voiture.

Lors de la numérotation du numéro, la puissance d’émission est la plus forte. Il faut mieux attendre la connexion pour porter le portable à l’oreille. La mesure phare, c’est l’utilisation du kit oreillette. Elle permet de diviser la puissance du portable par 10.

Ensuite, concernant le problème des antennes relais, nous sommes face à une pollution chronique. La personne qui n’utilise pas son portable est soumise sans arrêt à une pollution électromagnétique à des doses plus faibles. C’est pourquoi nous demandons la diminution de la puissance des antennes relais à 0,6 V/m pour qu’il n’y ait pas de problème sanitaire au niveau des personnes qui se trouvent en face du lobe principal d’une antenne.

Il y a une forte opposition des opérateurs car la diminution de la puissance des antennes va entraîner leur multiplication. Nous préférons une multiplication du nombre d’antennes dont la puissance est plus faible.

Chez nos voisins européens, des mesures destinées à limiter l’exposition aux ondes électromagnétiques ont-elles été prises ?

Au niveau des écoles en Allemagne, les bornes Wi-Fi ont été interdites. Dans les écoles où elles étaient installées, elles ont été débranchées. Concernant le portable, une information plus importante est faite dans beaucoup de pays anglo-saxons (Suède, Allemagne, Autriche). Ils sont plus prudents. Ils utilisent plus le câble et la fibre optique que nous. En France, nous avons en plus des antennes relais hyper puissantes. Nous avons un décret de 2002 qui accepte des normes très hautes.

En conclusion…

En conclusion, je dirai oui à cette technologie mais à partir du moment où il existe des alternatives (câble, fibre optique). Il faut pousser les décideurs politiques et industriels à choisir la technologie qui entraine le moins de problème sanitaire.

Au niveau du téléphone portable, il faut être très prudent. A mon avis, c’est la maladie du siècle au même titre que l’amiante. Il faut pousser les industriels à faire des portables avec une DAS très faible et un kit oreillette intégré.

> Pour en savoir + : Site du Criirem

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