Pollution marine : la CE compétente pour ordonner des sanctions pénales

justice.jpgDans un arrêt rendu par la Cour européenne de Justice, cette dernière annule la décision-cadre du Conseil visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires en raison de son adoption hors du cadre législatif communautaire.

La décision-cadre du Conseil visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires instaure l’obligation pour les États membres de prévoir des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives pour les personnes morales ou physiques, qui ont commis, qui ont incité à commettre ou qui se sont rendues complices d’une des infractions visées à la directive communautaire. Elle fixe, par ailleurs, le type et le niveau des sanctions pénales à appliquer en fonction des dommages causés par les infractions à la qualité des eaux, aux espèces animales ou végétales ou aux personnes.

Le Conseil entendait par cette décision-cadre compléter la directive, dans le but de renforcer la sécurité maritime. Cette décision a été adoptée par le Conseil de l’Union européenne, composé des représentants des gouvernements des États membres, dans le cadre de la coopération policière et judiciaire des gouvernements en matière pénale, institutionnalisée par le traité sur l’Union européenne.

Considérant que la décision-cadre n’a pas été adoptée sur la base juridique appropriée, la Commission a introduit un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes. Elle a fait valoir que le but et le contenu de la décision-cadre relèvent des compétences de la Communauté européenne prévues par le traité CE dans le cadre de la politique commune des transports ; par conséquent, l’acte attaqué aurait pu être adopté sur le fondement du traité CE.

Traité CE vs Traité UE

Dès lors que le traité UE prévoit qu’en cas de concurrence de compétences entre le traité CE et le traité UE, le premier l’emporte, c’est donc effectivement sur le fondement du traité CE que l’acte attaqué aurait dû être adopté. Cette thèse a par ailleurs pour conséquence que la Commission peut prendre l’initiative de la procédure législative et que le Parlement européen puisse participer à l’adoption de l’acte en cause.

Le Conseil considère qu’à travers l’adoption de la directive, le législateur communautaire a fixé les limites de son propre pouvoir d’action en matière de politique des transports maritimes. Par conséquent, la Communauté ne serait pas, à l’heure actuelle, compétente pour déterminer, d’une manière obligatoire, le niveau et les types de sanctions pénales que les États membres doivent prévoir dans leur droit national.

Les transports : un des fondements de la Communauté

La Cour de justice rappelle que la politique commune des transports s’inscrit parmi les fondements de la Communauté et que, dans le cadre des compétences qui lui sont conférées par le traité CE, le législateur communautaire peut adopter des mesures tendant à l’amélioration de la sécurité des transports maritimes.

En raison tant de sa finalité que de son contenu, la décision-cadre a pour objet principal l’amélioration de la sécurité maritime et la protection de l’environnement. Les dispositions de cette décision qui imposent aux États membres l’obligation de sanctionner pénalement certains comportements auraient pu valablement être adoptées sur le fondement du traité CE.

La Cour constate, comme elle l’a déjà fait dans l’affaire Commission / Conseil, que s’il est vrai que, en principe, la législation pénale ainsi que les règles de la procédure pénale ne relèvent pas de la compétence de la Communauté, il n’en demeure pas moins que le législateur communautaire, lorsque l’application de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives par les autorités nationales compétentes constitue une mesure indispensable pour lutter contre les atteintes graves à l’environnement, peut imposer aux États membres l’obligation d’instaurer de telles sanctions pour garantir la pleine effectivité des normes qu’il édicte en matière de protection de l’environnement.

S’agissant en revanche de la détermination du type et du niveau des sanctions pénales à appliquer, la Cour conclut que celle-ci ne relève pas de la compétence de la Communauté.

Etant donné que la décision-cadre empiète sur les compétences attribuées à la Communauté par le traité CE et méconnaît ainsi le traité sur l’Union européenne qui donne priorité à de telles compétences, la Cour annule la décision-cadre dans son ensemble, en raison de l’indivisibilité de celle-ci.

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