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« La question économique prend encore beaucoup le pas sur celle de l’environnement. »

nathalie_delfour.JPGNathalie Delfour, chargée de mission industries agroalimentaires au sein de l’opération « Performance Bretagne Environnement + » portée par l’UPIB.

En quoi consiste l’initiative « Performance Bretagne Environnement + » ?

« Performance Bretagne Environnement plus » est une opération conduite auprès des entreprises bretonnes visant à promouvoir la démarche environnementale et favoriser l’accès aux technologies propres de dépollution. Cette opération financée intégralement par des fonds publics, par l’Etat et le Conseil régional et l’Etat, existe depuis plus de 13 ans et est portée par l’Union Patronale Interprofessionnelle de Bretagne, l’UPIB.

Les financeurs ont établi une convention avec l’UPIB selon laquelle l’UPIB redistribue l’argent dans les départements, soit dans des unions patronales, soit dans des chambres de commerce et d’industrie afin de financer des postes de conseillers environnement, que l’on appelle des conseillers BE+.

La coordination de cette opération est assurée par une salariée de l’Union Patronale d’Ille-et-Vilaine en concertation avec l’UPIB.

Et sur le terrain ?

Chaque conseiller environnement mène des opérations identiques dans chaque département. Ils dispensent des formations de correspondant environnement dans les industries bretonnes. Ces correspondants environnement sont le plus souvent des responsables qualité, ou des dirigeants d’entreprise. Au cours de ces formations toutes les grandes thématiques environnementales sont évoquées, aussi bien au niveau des déchets, de l’air, de l’eau,… Suite à cela, les correspondants environnement réalisent avec l’aide du conseiller BE+ des diagnostics environnementaux au sein même de l’entreprise.

Par la suite, des clubs de correspondants environnement sont organisés autour de grandes questions environnementales, des journées thématiques, de la veille environnementale… et tous ces services sont gratuits et confidentiels pour les entreprises.

Et votre place dans cette opération ?

En ce qui me concerne, ma mission a commencé en septembre 2005, et elle prendra fin en août 2008.

Il s’agit dans un premier temps d’informer les entreprises agroalimentaires bretonnes sur les technologies et la réglementation en matière de déchets et de sous-produits organiques. Puis, dans un second temps, il s’agit de mettre en place des solutions de valorisation des déchets, qui soit n’existent pas, soit existent mais sont très coûteuses pour les entreprises et donc dans ce cas on regarde si il peut y avoir une alternative.

Pour mener à bien cette mission, un partenariat avec l’Association Bretonne des Entreprises Agroalimentaires, l’ABEA est nécessaire.

Concrètement comment cela se passe-t-il ?

Au départ, nous avons réalisé une étude gisement au sein des entreprises, à l’aide de diagnostics afin de déterminer la quantité de déchets organiques générée par type d’activité, charcuterie, abattoir, laiterie… et par effectif salarié. A partir de ces données, il a été établi des ratios. Par exemple, les charcuteries génèrent x graisses par salarié/ par an.

A l’heure qu’il est, je possède donc une base de données qui me donne une idée du gisement de déchets organiques potentiellement disponibles en Bretagne. Ensuite, je suis appelée par des traiteurs de déchets, des porteurs de projets, aussi bien des grandes sociétés comme Veolia que des petites sociétés locales qui souhaitent par exemple produire du biocarburant à partir de graisses animales, et je leur donne les données dont elles ont besoin.

Vous recensez donc les informations, avant de les diffuser ?

Tout à fait, et en parallèle, je peux être appelée par une industrie agroalimentaire qui dispose d’un certain type de déchets et qui aimerait savoir ce qu’elle peut en faire. Je dois donc m’informer de toutes les dernières innovations en matière de valorisation des déchets. Je me situe donc à l’interface des deux branches.

Ces déchets une fois traités, que deviennent-ils ?

Une étude réalisée pour la Bretagne a permis de déterminer que 50% des sous-produits organiques retournent vers l’agriculture, 27% servent à l’alimentation des animaux d’élevage, 21,7% pour l’épandage, 18% pour l’alimentation des animaux domestiques, 8% partent à l’équarrissage, 6,5% retournent dans l’alimentation humaine…

… sous quelle forme ?

Et bien, par exemple, vous pouvez extraire des déchets d’os de la gélatine que l’on retrouve dans la fabrication des bonbons.

C’est également une source d’énergie…

En effet, à l’heure actuelle, l’opération BPE+ essaie de concrétiser une action. Il s ?agit d’un procédé qui permettrait d’extraire la graisse contenue dans les graisses de flottation, que l’on trouve dans les eaux usées, afin de la réutiliser directement en substitution d’un combustible soit dans une chaudière, soit dans un autre procédé.

D’une façon générale, les sous-produits animaux ont une bonne valeur énergétique et pourraient très bien être utilisés dans des unités de méthanisation.

Quels problèmes rencontrez-vous dans votre démarche ?

Notre principal problème réside dans le fait que pour tester ce procédé une part d’auto-financement est demandée aux industriels. De surcroît, tester un procédé innovant nécessite une prise de risque de la part des industriels. Ils montrent une certaine frilosité.

Mais d’une manière plus générale, je pense qu’il existe un fossé entre tout ce que l’on entend sur l’environnement et ce qui se fait réellement. Les industriels attendent de voir les résultats des innovations et prennent le temps de calculer ce qui pourrait leur rapporter le plus. La question économique prend encore beaucoup le pas sur celle de l’environnement.

Ils nous manquent des certitudes quant à la pureté du produit et donc tant que le produit n’est pas sur, nous rencontrerons des problèmes de réglementation.

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaitez pour l’avenir ?

A l’avenir, nous souhaiterions que les sous-produits d’origine animale de catégorie 2 soient revalorisés correctement, que l’on arrête la destruction d’un potentiel d’énergie. Il faudrait également que les industriels soient plus aidés en ce qui concerne les prises de risques quant aux nouvelles technologies et qu’ils soient soumis à moins de freins réglementaires.

Pour moi, les entreprises ne sont pas encore complètement prêtes à investir pour l’environnement. Elles sont prises dans leur quotidien, et l’environnement n’est pas une priorité face aux impératifs de production, ce qui est tout à fait compréhensible. Il faut du temps pour que les mentalités changent et pour que notre société intègre réellement la logique environnementale.

> Pour en savoir + : Performance Bretagne Environnement Plus

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